Page:Allais - En ribouldinguant.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Eh bien, ils en ont du toupet, les pick-pockets, d’avoir un journal à eux ! Et la police, qu’est-ce qu’elle dit de ça ?

— La police le sait, mais elle n’y peut rien.

Le soir, comme Hortense dînait dans une maison amie, elle n’eut rien de plus pressé que de raconter son histoire du moniteur des filous.

Les gens n’avaient pas assez de mains pour se tenir les côtes.

Hortense comprit, et le lendemain matin elle cinglait sur Menton, accompagnée d’un riche sucrier américain, M. Gabriell Bonnett, directeur de la Oxnard Beet Sugar Company, Grand Island, Nebraska (U. S. A.), lequel la poursuivait depuis longtemps de ses assiduités.

Le pauvre vicomte Guy de Neucoulant fut malheureux comme les pierres, mais avouez qu’il ne l’avait pas volé.

Pour comble d’ironie, Hortense lui laissait ce simple mot, pas trop bête pour elle :

« Mon cher ami,

« Si vous voulez savoir pourquoi je vous ai lâché, lisez le prochain numéro du The Plaking Gazette. »

Mais assez s’occuper de cette Hortense qui n’est qu’une grue, en somme, et passons à d’autres exercices.

Guy était depuis longtemps sollicité par sa tante, la marquise de Pertuissec, d’aller chasser sur ce domaine qui devait lui revenir plus tard.

Sans plus tarder, il prit le train de 10 h. 57 (je précise) et arriva le soir chez sa digne parente.

Réception cordiale, bonjour mon neveu, bonsoir ma tante, tu as l’air un peu fatigué, comme vous avez bonne mine, quoi de nouveau à Paris, etc.

La marquise, qui dans son temps ne crachait pas sur l’amour, était devenue, avec l’âge, d’une extrême sévérité.

Volontiers, elle oubliait les années disparues en lesquelles ce pauvre gringalet de marquis ressemblait à ces petits bœufs sénégalais, gros comme deux liards de beurre et dont les cornes ont l’air de poignarder les cieux.

Le château de Pertuissec s’était transformé en une véritable caserne de vertu.

C’est à qui y serait le plus vertueux,