Page:Allais - En ribouldinguant.djvu/73

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cendre de sa chimère. Hein ?… quoi !… qu’est-ce qu’il y a ?…

Selon les circonstances, il s’effare des normes les plus admises, pour, la minute d’après, demeurer tout quiet devant le moins prévu des cataclysmes.

Dernièrement, sa femme, au moment du déjeuner, lui mit dans son verre un bouquet de violettes. Le bonhomme, sans se déconcerter pour si peu, jugea seulement que ça n’était pas bien commode pour boire.

Comme sa femme insistait sur le symbole :

— Tu ne me demandes pas à cause de quoi ces fleurs ?

— À cause de quoi ?

— Eh bien !… notre trentième anniversaire !

— Quel anniversaire ?

— De notre mariage, parbleu !

— Ah ! vraiment ! Ah ! vraiment ! C’est très curieux.

Et, devant nos sourires sympathiques, la dame nous mit au courant de la nature de son mari.

Le meilleur homme de la création, mais aussi le plus distrait.

— Imaginez-vous, conte-t-elle en souriant, que le jour de notre mariage, il fit répéter six fois à M. le maire la question classique : Consentez-vous à prendre pour épouse, etc. ? À la fin, il s’écria : « Oh ! je vous demande pardon, monsieur le maire, je pensais à autre chose ! »

Au cours de la nuit de noces, il prie sa femme d’allumer la bougie.

— Pourquoi ? demandait la jeune femme.

— Je ne peux pas me souvenir de votre physionomie.

À part ça, d’une exquise bonté, d’une tendresse folle. Une âme pétrie de concorde et d’harmonie.

La vieille dame concluait en riant :

— C’est à ce point, que je n’ai jamais essayé de faire des œufs brouillés à la maison !

— ???

— D’un mot, il les aurait réconciliés.