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L’ARROSEUR

Minnie était indignée. Elle me prit à l’écart.

— Est-ce qu’elle va boire toute ma champagne, cette vieux chameau ! Tâchez à lui faire une bonne blague pour qu’elle est dégoûtée de cette liquide.

— Si je réussis, miss, que me donnerez-vous ?

— Je vous embrasserai.

— Quand ?

— Le soir, sur le pont, quand tout le monde sont en allés coucher.

— Et vous m’embrasserez… bien ?

— Le mieux que je pouverai !

— Mazette ! espérai-je.

Dès le lendemain matin, devant l’institutrice, j’amenai la conversation sur le champagne.

— C’est bon, c’est même très bon ; mais il y a certains tempéraments auxquels l’usage du champagne peut être nuisible et même mortel.

— Ah ! vraiment ? fit la vieille fille.

— Mais oui. Ainsi, vous, mademoiselle, vous devriez vous méfier du champagne. Ça vous jouera un mauvais tour, un jour ou l’autre.

— Allons donc !

— Vous verrez… C’est de ça qu’est morte Mme Beecher-Stowe.

J’avais mon plan. Une vieille plaisanterie, faite jadis à Chincholle au cours d’un voyage présidentiel, me revenait en mémoire.

Le docteur Marion, dont je n’hésite pas à mêler le nom à cette plaisanterie du plus mauvais goût, me fournit une petite quantité d’acide tartrique et de bicarbonate de soude.

À sec, ces deux corps ne réagissent point l’un sur l’autre. Dissous, ils se décomposent : l’acide tartrique se jette sur la