Page:Allais - L’Arroseur.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
L’ARROSEUR

frant ces jours-ci, car ce matin seulement j’ai reçu la réponse.

Une touchante histoire que celle de ces quatre simultanées naissances dans la même maison :

Il y a un an, vivaient, dans l’immeuble situé au no 7 de la rue Docteur-Chaussier, quatre ménages parfaitement unis, s’entendant à merveille et vivant en paix.

Quelques lettres anonymes vinrent mettre bon ordre à tout cela, et bientôt l’harmonie fut rompue.

Rompue ? Que dis-je ! Elle fut cassée en mille miettes.

Non seulement les familles étaient fâchées entre elles, mais les femmes voulaient divorcer, les époux parlaient de tuer les femmes, et réciproquement.

Vous avez deviné, n’est-ce pas, Mesdames et Messieurs, que toute cette discorde était le fruit de la calomnie, de cette lâche calomnie qu’on ne saurait trop comparer au serpent qui rampe, mord, bave et tue ?

Un des locataires du 7 de la rue Docteur-Chaussier (dont le procureur général de Dijon m’a prié de taire le nom) souffrait, en son âme de brave homme, de ce consternant état de choses.

Au moyen d’autres lettres anonymes plus habiles que les premières (guérir le mal par le mal !), il parvint à réconcilier tout notre petit monde.

Quand fut accomplie son œuvre de concorde, et pour la fêter, il invita les quatre familles, Clerc, Ferrand, Valter et Poisot, à un petit dîner comme on n’en avait pas vu, en Bourgogne, depuis Anne d’Autriche.

La chair fut succulente et copieuse.

Quant aux vins, je ne vous dis que ça ! Les plus fameux crus du pays y étaient représentés par leurs plus poudreux échantillons.

Cela — notez bien la date — se passait le 29 janvier.