— Arrêtez, vous qui courez ainsi dans cet air obscur,
peut-être aurez-vous de moi ce que vous cherchez. — Mon
guide me dit alors : — Attends-le, et marche ensuite selon
son pas. — Je m’arrêtai, et j’en vis deux qui montraient
par leur visage un grand empressement d’être avec moi ;
mais ils étaient retardés par leur charge et par le chemin
étroit. Quand ils nous eurent joints, ils me contemplèrent
d’un regard louche et sans parler, puis ils se tournèrent
l’un vers l’autre, disant : — Celui-ci semble vivant à sa
respiration, et si tous deux sont morts, par quel privilège
marchent-ils sans la pesante robe ? — Puis ils me dirent :
— Ô Toscan, qui es venu au cercle des coupables hypocrites,
ne dédaigne pas de dire qui tu es. — Je suis né et
j’ai grandi, leur répondis-je, sur le beau fleuve de l’Arno,
dans la grande ville, et j’ai le même corps que j’ai toujours
eu. Mais vous, qui êtes- vous, qui montrez tant de
douleur sur votre visage, et qui avez à peine de la voix
pour parler ? — L’un me répondit : — Nos robes sont d’un
si lourd plomb que leur poids nous fait trébucher. Nous
fûmes frères-joyeux et Bolonais, nommés, moi Catalano,
et celui-ci Loderingo, élus podesla par ta ville, comme
elle a coutume decboisir deshommes étrangers aux partis,
et on voit encore près du Guardingo ce que nous fûmes. »
CHAPITRE III.
RÉTABLISSEMENT DU GOUVERNEMENT POPULAIRE. — DOUZE
BONS-HOMMES ET CONSEILS. — MAGISTRATURE DU PARTI
GUELFE.
Les Florentins délivrés réforment la terre, et pour s’assurer mieux contre le comte Guido Novello, ils envoient chercher à Orvieto des troupes, un podesta et un capitaine ; on leur envoie cent cavaliers, un podesta (Ormanno Monaldeschi) et un capitaine du peuple. Les Guelfes sont rappelés ; leur paix conclue avec les Gibelins est célébrée par plusieurs mariages : un des Adimari fait épouser