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Est-ce le peuple qui nomme les membres de l’Institut ? Non. Pourquoi ? Parce qu’il ne peut pas juger les sciences : on sait ce que valaient les suffrages des Romains et comment ils étaient balancés dans les comices. En Angleterre, le peuple ne nomme que les membres des communes ; le sénat est héréditaire ou recruté dans un esprit qui est le sien.

L’esprit n’est-il pas, à tout prendre, le souverain de la terre ? L’homme qui pense peut-il dépendre de l’homme qui ne pense pas ? Les sciences de l’Institut ne sont pas jugées par le peuple, et le peuple prétend juger les sciences politiques, plus difficiles ? C’est que celles-ci ayant l’homme pour but et pour instrument, l’homme ne peut cesser de s’en inquiéter ; si le peuple ne sait pas juger les mesures, il voit les résultats visibles et présens ; si l’élection d’en haut doit partir d’en haut, le peuple doit avoir aussi son influence ; mais pour en supporter les cris menaçans, il faut placer l’homme supérieur en sa présence, comme il est placé par la nature, graduer les forces matérielles sur les forces morales. Nous avons vu que l’aristocratie en Angleterre permet seule le développement de l’énergie vulgaire, et qu’en France la faiblesse du haut pouvoir enchaîne la presse. Notre budget de l’état est tout matériel ; avec un centime de plus à l’impôt foncier, on a près de deux millions ; en quelques années on pourrait fonder la fortune à vie des chefs de la société, qui ne peuvent voyager, s’instruire, protéger les lettres et les sciences sans moyens matériels. Les dépenses de l’armée se sont élevées jusqu’à 400 millions par an, sans qu’on en ait souffert. Avec moins un corps serait doté, dont il faudrait agrandir les devoirs et les travaux comme l’existence. Nous ne faisons que développer des tendances françaises, et ce que nous disons, indiqué par notre pays, n’a rien d’étrange. Si nous considérons les mœurs des premiers hommes de la France, nous les