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Napoléon disait que l’aristocratie n’a pas d’entrailles, mais que la démocratie en a, il eût pu faire exception pour le peuple rigoureux de l’Angleterre. Au siége de son gouvernement, l’aristocratie occupe les terres, mais en conquérant ainsi en dehors pour sa nation, à laquelle elle assure l’empire des mers et la liberté. Tant qu’elle subsiste, aucun citoyen ne peut changer la loi ; c’est une raison d’État, c’est un sacrifice de chacun pour un corps qui assure la puissance et la constitution.

Hé bien ! ce portrait de l’aristocratie ne paraît vrai qu’à nous et à ses derniers partisans ; en l’écoutant, le peuple anglais secouerait la tête ; et quand une institution, malgré sa beauté, est frappée ainsi de réprobation par un peuple éclairé, il faut que l’injustice partielle dont on payait de si grands avantages l’emporte désormais sur le reste. Les changemens se feront-ils par les moyens légaux ? Y aura-t-il une révolution ? Question des plus belles en nos temps ! Si l’Angleterre passe sans révolution d’un état social à un autre, elle aura donné un exemple de sagesse et d’habileté sans pareil dans l’histoire.

Mais ce peuple, formé sous l’influence de l’aristocratie, en conservera-t-il l’ambition et l’esprit ? Conservera-t-il les colonies, les Indes, l’influence en Europe ? Si un géant nouveau se présente, saura-t-il le combattre et le vaincre ? Si vous détruisez l’aristocratie dans un pays marchand, où seront le désintéressement et la noblesse ? Si en France, chez une nation guerrière, nous nous défendons difficilement de l’industrie, que sera-ce d’un peuple mercantile qui ne connaît que le travail et le gain ? Eh ! comment pouvons-nous voir un moyen de conserver l’ancien ouvrage, sinon dans une aristocratie nouvelle renaissant de ses cendres, cette fois peu nombreuse, isolée, délivrée des préjugés où l’autre s’appuie ?

Alors on tendra sans danger la main à ce peuple