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méprisent ! Ceux que l’aristocratie ne rend pas plus forts, elle les rend plus bêtes ; nous avons les deux extrêmes en Angleterre. Y a-t-il une société aussi ridicule, aussi petite ? Les grands hommes mêmes prennent là quelque chose de misérable et de risible ; vus de ce côté, les Anglais sont à la fois lourds et frivoles. John Bull est l’âne de la fable qui se lève sur ses pieds pour faire l’aimable et qui écrase les gens ; le Français, aimable et philosophe, laisse loin derrière lui ce gros peuple. Les Anglais brillent par d’autres qualités ; si le hasard et le bonheur concoururent à former leurs institutions, il faut attribuer beaucoup à ces hommes robustes, peu épris des délices de la vie, qui passent les nuits de leur jeunesse aux flambeaux à disputer sur les affaires publiques. Notre imagination ne peut contempler ce qui est beau sans vouloir l’imiter : parce que les Anglais n’aimaient pas le plaisir, qu’ils étaient propres aux passions politiques et aux liqueurs fortes, on a voulu en France les prendre pour modèles, et transporter chez nous, sans aristocratie, un gouvernement tout aristocratique. La France, qui cherchait à la voix de ses grands hommes à poser les principes du droit humain, avait-elle à suivre d’autres voies que les siennes ? Si son peuple entraîné avait occupé un moment le pouvoir et montré sa lourde ignorance, il n’était pas resté long-temps maître, et l’esprit avait reparu de toutes parts.

La France, obtenant plus par la philosophie que l’Angleterre par la religion, s’est constituée enfin selon une humanité inconnue à sa rivale chrétienne. Les Français sont frères et leurs fortunes petites ; nulle distinction ne sépare ici l’homme de son prochain ; une certaine familiarité unit toutes les classes ; la servitude même a perdu son amertume et sa honte. Certes si Jésus-Christ, renaissant tout à coup en Judée, où quelques Arabes l’attendent, traversait notre Europe, ce n’est pas la société anglaise qu’il appellerait sienne,