Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/76

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aveugle qui avait convenu à sa vertu première ? II ne s’expliquait pas là-dessus, mais il me demandait si j’aurais du courage. Je disais oui.

Bientôt, à une autre soirée chez Laure, il se montra plus passionné qu’il n’avait encore été. En arrivant, je causais avec quelques hommes devant la cheminée, et il était assis près de nous. Il entendit nos rires, et leva sur moi des yeux les plus expressifs et les plus sévères à la fois ; c’était un tendre et violent reproche de ce que les propos de ces hommes m’amusaient. Combien ce regard fut beau ! Il me reprochait beaucoup d’avoir une cour, et se moquait fort des gens qui m’entouraient.

Plus tard, dans la soirée, il me dit, enivré, qu’il fallait fixer un jour de départ, que nous fuirions ensemble, qu’il était décidé.

Trop remplie de ses sages leçons pour l’approuver, je le modérai ; j’osais à peine envisager ces idées-là. Du moins fallait-il essayer nos caractères.

Jérôme se plaignait de ne savoir pas encore m’exprimer ses sentiments. Il commença à m’écrire.

Les premières lettres d’amour de ce prélat romain furent écrites en anglais. Il écrivit ensuite en français . Il disait : « Jusqu’à présent les émotions se sont tellement multipliées, que la forme de l’expression dont elles doivent se revêtir n’a pas pu les atteindre, la parole n’a pas eu le temps même de naître à côté d’un sentiment qui, se reproduisant de mille manières, semble destiné à échapper toujours à la définition. Maison aura le pouvoir de dire un jour ce qu’on a aujourd’hui la force d’éprouver, et on le dira avec toute cette force. »