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L’ÂME DES MAINS

en arrière et les mains impitoyablement avancent toujours. Les doigts nerveux personnifient pour lui la force de la destruction finale. Elles s’étaient accrochées à son jabot et grimpent, grimpent encore… Il veut les retirer, leur faire lâcher prise. C’est impossible. Elles montent furieuses le long de la mousseline plissée, comme des reptiles grouillants. Elles déchirent les volants pour se frayer un passage. Il les sent effleurer la chair de son cou. À ce contact, il sursaute d’horreur. Est-ce un corps étranger qui touche son corps qui l’épouvante, qui le fait frissonner de dégoût ?

Les doigts envahissent sa gorge de toutes parts, et se rejoignent derrière la nuque. Ils serrent lentement, progressivement, effroyablement. Les pouces par devant le torturent. Il étouffe. Ses yeux vont jaillir hors des orbites et sa langue s’enfle et s’empâte dans sa bouche… Sa respiration… De l’air… de l’air !… Son corps est secoué de convulsions. Tout tourne ! Il se débat encore, les soubresauts s’acharnent et l’épuisent. Cette souffrance… C’est comme si on lui tordait le cou et lui détachait la tête. Horrible ! Les mains étreignent, étranglent.

Le bal de l’Électeur fut un triomphe, et le triomphe du bal fut la Baronne de Minnengenuss. Elle dansa toute la nuit jusqu’à ce qu’exténuée, elle se retirât dans le salon des dames pour échapper aux pressantes invitations des Seigneurs de la Cour.