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SUR TALONS ROUGES

vous ne voulez pas que je m’enfuie. J’avais à vous parler sérieusement. Je ne crois pas un instant que mes fiançailles puissent vous faire douter de mon amour. Vous savez que je vous aime et si j’avais toujours remis au lendemain l’entretien que vous me poussiez à avoir avec mon père, c’était parce que je vous aimais bien trop. Wentworth ! Je vous en conjure, ne m’interrompez pas et laissez-moi vous parler.

Lord Jamland n’avait nullement l’intention de l’interrompre. Il pressait Lady Springfield sur son sein et la couvrait de baisers. Ses mains refoulaient les dentelles envahissantes de sa grande mante pour livrer passage à ses caresses. Elles firent si bien que la mante roula à terre. Marjorie ne sourcilla pas : elle se sentit toujours drapée dans les voiles de la nuit. Les apparences et le décorum étaient sauvés. C’était l’essentiel. D’ailleurs, elle avait tant de choses à lui dire ! Prise par le fil de ses idées, il se pourrait qu’elle ne se fût point aperçue de son négligeable état de nudité.

— Je ne peux pas vous épouser, mon ami, parce que je vous aime trop follement. L’amour par le mariage est vite souillé par la raison, car le mariage soulève bien des questions d’intérêt toujours croissantes et plus accaparantes. Il ne reste plus alors qu’une association froide de deux individus, dépourvue de poésie. L’amour, tel une fleur desséchée, se flétrit et meurt. Vous me comprenez n’est-ce pas ?

Pour toute réponse, Wentworth la pétrit passionnément dans ses bras. Elle s’abandonna, mais elle conti-