Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome I.djvu/10

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Les vieux émigrés errent autour de leurs anciennes habitations, où ils demandent à mourir, comme des ombres, en peine, qui mendient un tombeau. Les discours imprudents du clergé sèment des alarmes dans les campagnes, touchant le rétablissement de la dîme et de la corvée. De véhéments orateurs, du haut des tribunes de nos deux Chambres, font tomber des paroles qui remuent toutes les haines et alarment tous les intérêts. Le convoi funèbre qui roule avec grande pompe, vers les sépultures de Saint-Denis, les restes de l’infortuné Louis XVI, fait revivre dans toutes les imaginations l’image de l’échafaud d’un roi, et la nation, péniblement oppressée de ce rêve, ne sait si on veut faire retomber sur sa tête le sang de l’auguste martyr.

Les affaires religieuses sont touchées sans discrétion, on songe à rétablir l’église de France dans son ancienne splendeur, à relever un grand nombre de siéges épiscopaux et à détruire l’ouvrage commun de Pie VII et de Napoléon. On offense le souverain pontife, et les affaires sont surchargées de démêlés avec la cour de Rome.

Toute l’habileté politique, bannie des conseils de la couronne, semble s’être réfugiée dans l’esprit de son plénipotentiaire au congrès de Vienne : celui-ci semble avoir parié de faire autant de tours de génie diplomatique, que son gouvernement fait de coups malhabiles dans l’intérieur du royaume.

La plus merveilleuse de ces sottises est d’assembler dans le Dauphiné une armée tout près des rivages où le fugitif de l’ile d’Elbe va débarquer. Cette armée, destinée à repousser l’agression de Murat, se trouve enrôlée, par Louis XVIII, au service de Napoléon.

Ramené une seconde fois par l’invasion étrangère, Louis XVIII a le bon esprit de confier, en 1815, la présidence de son ministère au prince de Talleyrand.