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de la démocratie nouvelle.

Il n’y a aucune des productions de notre temps que je n’estime cent fois plus qu’un certain poème de Voltaire, pas un de nos romans que je ne mette au dessus des Liaisons dangereuses de Laclos et des productions de Crébillon fils. A bien observer les productions modernes, on y trouve à travers cet audacieux mépris de tout ce qui est séant, je ne sais quel fond sérieux, quelle empreinte des élans de l’ame vers la providence, quelle élévation gigantesque de sentiments. Il y a une sublimité secrète jusque dans la noire mélancolie qui dresse les autels, devant lesquels le crime et la mort renouvellent sans cesse leurs noces épouvantables. C’est l’image d’un temple en ruine dévasté par un affreux incendie, mais où il reste, çà et là, quelque pan des murailles sacrées ; et la douleur d’une société privée de croyances est peinte avec tant d’énergie dans ces pages lugubres, que la pensée du ciel nous est inspirée à chaque ligne par ces œuvres dont la foi et la morale ont tant à se plaindre.

Dans le grand siècle de Louis XIV, dont la France est fière, à bon droit, la politesse et

    les auteurs se sont abandonnés sous le règne suivant, dès que la censure a été moins rigoureuse. Je citerai encore le règne de Napoléon comme un exemple de l’influence de la censure. Les hommes qui vivaient sous ses lois avaient vécu en 1793. Que l’on compare entre elles les littératures de ces deux époques !