Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome II.djvu/111

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Thouret répondait naïvement à ceux qui lui reprochaient d’anéantir l’esprit de province, « qu’il importait peu à quelle division du territoire on fût attaché, puisque les avantages politiques et civils devaient être parfaitement égaux dans toutes les parties du royaume ; » et un autre orateur de la même opinion ajoutait « que la division de la France devait avoir pour but de fondre les esprits et les mœurs, de manière qu’il n’y eût en France que des Français, et non des Provençaux, des Normands, etc. » Les législateurs de cette époque songeaient à diviser ce qui avait été réuni, à rassembler ce qui avait été séparé, et à engloutir, dans le vaste sein du royaume entier, tout ce qui avait existé et brillé à part, de sorte que rien ne fût hors de la vie universelle.

Mais à mesure qu’ils accordaient plus à la grandeur de l’État, ils proposaient aux citoyens une patrie plus vaste à connaître et à aimer : ils détachaient le nœud des intérêts ; ils forçaient les affections qui sont d’autant plus vives qu’elles se concentrent davantage ; l’unité philosophique de l’empire était achetée au prix de ces sentiments fondés sur la mémoire et l’habitude ; et en croyant augmenter la force du pays, ils diminuaient d’autant celle du patriotisme.

Ils voulaient faire pousser la liberté sur le