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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

mais les cœurs se cèdent. Un gouvernement doit participer aux sentimens du peuple, pour s’en emparer et en être le guide habile et l’économe prudent. Napoléon pratiquait avec une admirable grandeur cette maxime d’État. Il s’était fait ministre et l’exécuteur des passions nationales ; on jouissait de ses combats, de ses victoires, de ses conquêtes, parce que l’instinct populaire allait de concert avec son génie ; sa gloire était le patrimoine commun ; le butin des batailles grossissait le trésor de l’État ; il dut sa merveilleuse domination bien moins à son vaste esprit qu’à son ame brûlante ; il aima, en un mot, et avec une ardeur incommensurable, quoi ? l’action et la gloire : aussi les passions du peuple viennent-elles encore jeter des couronnes devant son image qu’elles ne peuvent consentir à regarder comme glacée ; et ce n’est pas de sa haute raison, mais de son grand cœur, que l’on a fait un dieu.

Nous sommes loin de conseiller la guerre comme un moyen de gouvernement ; mais il faut occuper l’ardeur d’un peuple, et ouvrir à ses espérances des perspectives toujours variées et toujours lointaines.

Ainsi la régénération de la société s’obtiendra, non par l’anéantissement des passions qui sont