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L’AVIATEUR INCONNU

cher au monde ne paraît pas très sûr de mon honnêteté !

Sous cette petite mercuriale d’autant plus accablante que Vernal l’avait prononcée sans colère aucune, d’une voix douce et résignée, Elvire se sentit bourrelée de remords. Elle songea que rien ne justifiait l’ombre qui avait passé sur son amour, qu’elle était en faute vis-à-vis de Jean-Louis. Et, parce qu’elle était droite et franche, elle lui dit sans faux embarras :

— Vous ne m’adresserez jamais autant de reproches que moi, Jean-Louis ! Mais non, n’attachez pas plus d’importance qu’il ne faut à un mouvement de fatigue morale. Ce que vous éprouvez a passé en moi d’abord et voici que nous souffrons du même mal !

Est-il besoin d’ajouter que le long regard dont cette phrase était accompagnée acheva de restituer à Jean-Louis Vernal une sécurité que, déjà, il croyait en fuite. L’épreuve n’avait point altéré l’amour qui l’unissait à Elvire, son angoisse n’avait duré qu’un instant, mais si poignante qu’elle eût été, il ne la regrettait pas puisqu’elle avait, en somme, fortifié les sentiments qui l’unissaient à la jeune fille. Celle-ci ne gardait à son égard, il le savait, il le percevait à travers toute sa sensibilité, aucun soupçon ; elle était sûre de lui comme il était sûre d’elle, tous deux pouvaient s’embarquer sur le fleuve de la vie sans craindre le naufrage de leurs illusions.

Mais il n’en demeurait pas moins qu’un Aviateur inconnu, un plagiaire éhonté, avait osé paraître au moment où ses équipées aériennes n’étaient plus qu’un souvenir. Que signifiait cette manœuvre ? Qui donc, connaissant l’histoire héroï-comique de Jean-Louis Vernal, avait l’audace de l’imiter au risque de jeter bas l’édifice de son bonheur ?

Question qui restait sans réponse, car les deux jeunes gens s’interrogeaient en vain et ne pouvaient que se lancer dans le champ infini des hypothèses.

Le capitaine de Jarcé arriva fort à propos pour jouer une fois de plus le rôle de confident. Toutefois, Mlle Bergemont commença par le gronder de ne pas s’être rendu à l’invitation qu’elle avait eu soin de lui faire parvenir.

— Ne m’accablez pas, mademoiselle, dit le capitaine, je ne viens à Pourville que pour vous adresser mes excuses. Je me suis présenté chez vous, on m’a dit que