qui formulaient leur opinion, après avoir, eux aussi, palpé l’envoyé du ciel. Mais, de tous, Elvire était la plus intriguée, la plus violemment surprise, et même, à son étonnement, se mêlait une vague irritation.
— Enfin, il n’y a pas à tortiller, prononça Félix Bergemont, nous sommes en présence d’un fait positivement extraordinaire. Nul doute que ce morceau de métal ait été lancé, la nuit dernière, de l’avion que nous avons entendu. Je m’explique, à présent, son insistance à rôder dans ces parages ! Il repérait, sinon la maison, du moins la plage, pour déposer sa lettre le plus près possible de chez nous, le plus près possible de toi, fillette. Ah ! ces aviateurs !
En le voyant tout animé de naïve allégresse, sa fille ne put se contenir davantage ; elle s’écria :
— Mon pauvre papa, mais c’est fou, voyons ! Tu commences par déclarer que le fait est extraordinaire et, tout aussitôt, tu l’acceptes, tu l’enregistres comme la chose la plus naturelle du monde ! Réfléchis un peu, je t’en conjure.
— À quoi veux-tu que je réfléchisse ? fit-il, un peu saisi.
— Quoi ! tu admets qu’un aviateur absolument inconnu — puisque nous n’avons aucune relation dans le monde de l’air — ait pris la peine d’organiser toute cette mise en scène pour un autre dessein que de nous mystifier, et toi avant quiconque ?
— Comment ça, me mystifier !
— Mais ça saute aux yeux ! Tu as certainement confié à un indiscret ton bizarre désir d’avoir un gendre, la confidence n’a pas tardé à courir les champs et le résultat ne s’est pas fait attendre ! Quelque pilote désœuvré s’est fait une joie de monter cette farce, dont le ridicule rejaillit sur moi !
— Le ridicule ?… Je ne vois pas…
— Oui, le ridicule ! Ne comprends-tu pas qu’à cette heure c’est moi qui défraye les plaisanteries de ces messieurs ?
Bergemont aîné prit la parole.
— Il est certain, dit-il, que l’explication d’Elvire est la plus plausible. Tu auras bavardé, Félix, tu auras confié trop légèrement tes projets à un mauvais plaisant !
Bergemont cadet fit un pas en arrière :