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L’AVIATEUR INCONNU

pose pas d’un aviateur comme d’un cycliste, c’est très difficile, en général, de mobiliser ces messieurs-là !

Les objections présentées par Flossie étaient trop sen­sées pour ne pas frapper Elvire. Toutefois, elle exigeait une explication bonne ou mauvaise ; elle reprit :

— Si papa n’est pas à l’origine de la mystification, d’où vient que celle-ci a coïncidé avec son caprice ?

— Darling, on constate les coïncidences, on ne les explique pas ! déclara Flossie. Le mieux, jusqu’à nouvel ordre, est d’attendre, de patienter, d’observer pour essayer de se faire une opinion. Mais rien ne sert de boule­verser sa vie à cause d’une histoire, au fond, plutôt humo­ristique !

Mais il était écrit que les hôtes de la villa ne connaî­traient jamais le repos. Vingt-quatre heures après cet entretien, une offensive se produisit, non plus dans le ciel, mais sur la terre.

Le surlendemain de l’arrivée de Flossie, au moment où Elvire après le déjeuner matinal, pris en commun à la salle à manger, venait de regagner sa chambre, elle aperçut, délicatement posés sur le jeu de brosses de sa coiffeuse, deux journaux. Deux journaux dans lesquels elle reconnut tout de suite des feuilles qui lui étaient familières : Le Pourvillais, organe de la petite commune, et Le Réveil de Dieppe, qui embrassait un plus large segment de population, car il était lu à trente kilomètres à la ronde. Quelle main discrète avait placé là ces journaux ? qui avait eu soin de les disposer de telle sorte qu’Elvire, en s’approchant, fut frappée par un entrefilet marqué au crayon bleu et rédigé en ces termes :

M. Félix Bergemont, domicilié villa Cypris, à Pourville (Seine-Inférieure), fait savoir que, lassé des mauvaises plai­santeries dirigées contre des personnes de sa famille par un aviateur inconnu, intime à celui-ci défense expresse de per­sévérer dans une audace qui frise l’outrage, faute de quoi il sera dans la nécessité de porter plainte devant les tribunaux.

Dans Le Réveil de Dieppe aussi bien que dans Le Pour­villais, le texte était le même, preuve que ces deux jour­naux n’avaient fait que de se conformer aux indications de l’intéressé et que l’insertion avait été payée par lui.

Telle était donc l’admirable revanche promise par le père d’Elvire lorsqu’il s’était écrié : « Je saurai te prouver