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L’AVIATEUR INCONNU

idée approximative, tels que parfumerie, coiffeur, librai­rie-papeterie. Nul doute qu’un café-bar fût en perspective ; en attendant, le Grand-Hôtel faisait de son mieux pour encourager sa nouvelle clientèle. En temps ordinaire, il fermait ses portes à minuit ; dans la période des manœuvres nocturnes, le patron se faisait un devoir de se tenir jusqu’à trois heures du matin à la disposition des consommateurs.

Dans la grande salle, d’ailleurs fort peu spacieuse, Flossie et ses deux compagnons s’installèrent à une table et commandèrent des boissons qui n’étaient pas encore bien raffinées, mais témoignaient pourtant d’un effort sincère, savoir des citronnades avec des pailles. Hormis la présence d’un lieutenant occupé à écrire et de deux dames qui, visiblement, attendaient quelqu’un, le café permettait à ses hôtes une conversation suivie. Flossie ouvrit le feu en demandant à Jean-Louis Vernal un récit succinct mais complet de la machination qu’il avait ourdie pour se transformer d’artiste peintre en Aviateur inconnu.

— Mon Dieu ! c’est très simple, répondit le jeune homme. Lorsque j’eus la conviction que mes instances resteraient vaines pour faire changer d’avis M. Félix Bergemont, je me dis que la conquête d’Elvire justifiait les moyens les plus romanesques et, puisque son père avait fait le serment de ne prendre pour gendre qu’un aviateur, je commençai, je l’avoue, par envisager le projet de devenir officiellement pilote, ou, tout au moins, observateur. Pour cela, il me fallait d’abord l’avis d’un professionnel et c’est alors que je songeai à mon vieil ami Henri de Jarcé. Je lui écrivis donc…

— Et je te répondis, coupa le capitaine, en te deman­dant si tu avais perdu la tête, attendu que ta résolution ressemblait en tous points à un acte de démence.

— Pourquoi cela ? demanda Flossie.

— Mais parce que Vernal a beaucoup de talent, qu’il est travailleur et, au point de vue matériel, tout à fait à son aise. Aucune raison profonde ne déterminant sa résolution, je ne comprenais pas qu’il voulût abandonner son art pour courir inutilement des dangers.

Le peintre poursuivit :

— Oui, mais lorsque de Jarcé fut au courant de la situa-