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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

mémoire d’homme, dans certaines îles de l’archipel asiatique. Porster ne la mentionne pas dans son opuscule sur les fruits des îles de la mer Pacifique, lors de l’expédition de Cook. Le nom vulgaire aux Philippines, Manga[1], montre une origine étrangère, car c’est le nom malais et espagnol. Le nom vulgaire à Ceylan est Ambe, analogue au sanscrit Amra et d’où viennent les noms persan et arabe Amb[2], les noms modernes indiens, et peut-être les noms malais Mangka, Manga, Manpelaan, indiqués par Rumphius. Il y a cependant d’autres noms usités dans les îles de la Sonde, des Moluques et en Cochinchine. La variété de ces noms fait présumer une introduction ancienne dans l’archipel Indien, contrairement à l’opinion de Rumphius.

Les Mangifera que cet auteur avait vus sauvages dans l’île de Java et le Mangifera sylvatica que Roxburgh avait découvert à Sillet sont d’autres espèces ; mais le véritable Manguier est indiqué par les auteurs modernes comme spontané dans les forêts de Ceylan, les districts au pied de l’Himalaya, surtout vers l’est, dans l’Arracan, le Pégu et les îles Andaman[3]. Miquel ne l’indique comme sauvage dans aucune des îles de l’archipel malais. Malgré l’habitation à Ceylan et les indications moins affirmatives, il est vrai, de sir J. Hooker, dans la Flore de l’Inde anglaise, l’espèce est probablement rare ou seulement naturalisée dans la péninsule indienne. La grosseur des graines est telle que les oiseaux ne peuvent pas les transporter, mais la fréquence de la culture amène une dispersion par l’homme. Si le Manguier est seulement naturalisé dans l’ouest de l’Inde anglaise, ce doit être depuis longtemps, vu l’existence d’un nom sanscrit. D’un autre côté les peuples de l’Asie occidentale doivent l’avoir connu assez tard, puisqu’ils n’ont pas transporté l’espèce en Égypte ou ailleurs vers l’ouest.

Aujourd’hui, on la cultive dans l’Afrique intertropicale et même aux îles Maurice et Seychelles, où elle s’est un peu naturalisée dans les forêts[4].

L’introduction en Amérique a eu lieu d’abord au Brésil, car c’est de là qu’on fit venir des graines à la Barbade dans le milieu du siècle dernier[5]. Un vaisseau français transportait des pieds de cet arbre de Bourbon à Saint-Domingue, en 1782, lorsqu’il fut pris par les Anglais, qui les portèrent à la Jamaïque, où il réussit à merveille. Quand les plantations de café furent abandonnées, lors de l’émancipation des esclaves, le Manguier, dont

  1. Blanco, Fl. filip., p. 181.
  2. Rumphius, l. c. ; Forskal, p. cvii.
  3. Thwaites, Enum. plant. Ceyl., p. 75 ; Stuart et Brandis, Forest flora, p. 126 ; Hooker, Flora of brit. India, 2 p. 13 ; Kurz, Forest flora of brit. Burma, 1, p. 304.
  4. Oliver, Flora of tropical Africa, 1, p. 442 ; Baker, Flora of Mauritius and Seychelles, p. 63.
  5. Hughes, Barbadoes, p. 177.