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BOTANIQUE

en effet, qu’en consultant les flores, les ouvrages sur l’ensemble des espèces ou les herbiers, on doit pouvoir la résoudre aisément dans chaque cas particulier. Malheureusement, c’est, au contraire, une question qui exige des connaissances spéciales de botanique, surtout de géographie botanique, et une appréciation des botanistes et des collecteurs d’échantillons basée sur une longue expérience. Les savants occupés d’histoire ou d’interprétation d’écrivains de l’antiquité s’exposent à faire de grandes erreurs lorsqu’ils se contentent des premiers témoignages venus dans un livre de botanique. D’un autre côté, les voyageurs qui récoltent des plantes pour les herbiers ne font pas toujours assez d’attention aux localités et aux circonstances dans lesquelles ils trouvant les espèces. Souvent ils négligent de noter ce qu’ils ont remarqué à cet égard. On sait cependant qu’une plante peut venir d’individus cultivés dans le voisinage ; que les oiseaux, les vents, etc., peuvent en avoir transporté les graines à de grandes distances, et qu’elles arrivent quelquefois par le lest des vaisseaux ou mêlées avec des marchandises. Ces cas se présentent pour des espèces ordinaires, à plus forte raison pour les plantes cultivées qui sont abondantes autour de l’homme. Il faut, chez un collecteur ou voyageur, de bonnes habitudes d’observation pour estimer jusqu’à quel point un végétal est issu de pieds sauvages, appartenant à la flore du pays, ou d’une autre origine. Quand la plante croît près des habitations, sur des murailles, dans des décombres, au bord des routes, etc., c’est une raison pour se défier.

Il peut aussi arriver qu’une espèce se répande hors des cultures, même loin des localités suspectes, et n’ait cependant qu’une durée éphémère, parce qu’elle ne supporte pas, à la longue, les conditions du climat ou la lutte avec les plantes indigènes. C’est ce qu’on appelle en botanique une espèce adventive. Elle paraît et disparait, preuve qu’elle n’est pas originaire du pays. Les exemples abondent dans chaque flore. Lorsqu’ils deviennent plus nombreux qu’à l’ordinaire, le public en est frappé. Ainsi les troupes amenées brusquement d’Algérie en France, en 1870, avaient répandu, par les fourrages et autrement, une foule d’espèces africaines ou méridionales qui ont excité l’étonnement, mais dont il n’est pas resté de trace après deux ou trois hivers.

Il y a des collecteurs et des auteurs de flores très attentifs à signaler ces faits. Grâce à mes relations personnelles et à l’emploi fréquent des herbiers et des livres de botanique, je me flatte de les connaître. Je citerai donc volontiers leur témoignage dans les cas douteux. Pour quelques pays et quelques espèces, je me suis adressé directement à ces estimables naturalistes. J’ai fait appel à leurs souvenirs, à leurs notes, à leurs herbiers, et, d’après ce qu’ils ont bien voulu me répondre, j’ai pu ajouter des documents inédits à ceux qu’on trouve dans les ouvrages pu-