Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
MÉTHODES POUR DÉCOUVRIR L’ORIGINE DES ESPÈCES

tale, par la mission de Ghang-Kien, sous le règne de l’empereur Wu-ti, dans le IIe siècle avant l’ère chrétienne. Les recueils appelés Pent-sao, écrits à l’époque de notre moyen âge, constatent qu’il rapporta la fève, le concombre, la luzerne, le safran, le sésame, le noyer, le pois, l’épinard, le melon d’eau et d’autres plantes de l’ouest[1], alors inconnues aux Chinois. Chang-Kien, comme on voit, n’a pas été un ambassadeur ordinaire. Il a étendu singulièrement les connaissances géographiques et amélioré les conditions économiques de ses compatriotes. Il est vrai qu’il avait été forcé de demeurer dix ans dans l’ouest et qu’il appartenait à une population déjà civilisée, chez laquelle un empereur, 2700 ans avant Jésus-Christ, avait entouré de cérémonies imposantes la culture de quelques plantes. Les Mongoles étaient trop barbares et venaient d’un pays trop froid pour avoir pu introduire beaucoup d’espèces utiles en Chine ; mais, en étudiant l’origine du pêcher et de l’abricotier, nous verrons que ces arbres ont été portés de Chine dans l’Asie occidentale, probablement par des voyageurs isolés, marchands ou autres, qui passaient au nord de l’Himalaya. Quelques espèces ont pu se répandre de la même manière de l’ouest en Chine, avant l’ambassade de Chang-Kien.

Les communications régulières de la Chine avec l’Inde ont commencé seulement à l’époque de ce même personnage, et par la voie détournée de la Bactriane[2], mais il a pu y avoir des transmissions de proche en proche par la presqu’île malaise et la Cochinchine. Les lettrés qui écrivaient dans le nord de la Chine ont pu les ignorer, d’autant plus que les provinces méridionales ont été jointes à l’empire seulement au IIe siècle avant l’ère chrétienne[3].

Les premiers rapports du Japon avec la Chine ont été vers l’an 57 de notre ère, par l’envoi d’un ambassadeur, et les Chinois n’eurent vraiment connaissance de leurs voisins orientaux que dans le IIIe siècle, époque de l’introduction de l’écriture chinoise au Japon[4].

La vaste région qui s’étend du Gange à l’Arménie et au Nil n’a pas été anciennement aussi isolée que la Chine. Ses peuples ont échangé, de place en place, et même transporté à distance des plantes cultivées, avec une grande facilité. Il suffit de rappeler que d’anciennes migrations ou conquêtes ont mêlé sans cesse les populations touraniennes, aryennes et sémites entre la mer Caspienne, la Mésopotamie et le Nil. De grands États se sont formés, à peu près dans les mêmes temps, sur les bords de l’Euphrate et en Égypte, mais ils avaient succédé à des tribus

  1. Bretschneider, l. c., p. 15.
  2. Bretschneider, l. c.
  3. Bretschneider, l. c., p. 23.
  4. Atsuma-gusa. Recueil pour servir à la connaissance de l’extrême Orient, publié par Fr. Turretini, vol. 6, p. 200, 293.