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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

peine à constater sa présence à l’état sauvage dans quelques points de l’Asie occidentale, comme nous allons le voir. S’il avait été très répandu avant d’être mis en culture, il en serait resté des descendants, çà et là, dans des pays éloignés. Les noms multiples des langues anciennes doivent donc tenir plutôt à l’ancienneté extrême de la culture dans les régions tempérées d’Asie, d’Europe et d’Afrique, ancienneté plus grande que celle des langues réputées les plus anciennes.

Quelle était la patrie de l’espèce, avant sa mise en culture, dans l’immense zone qui s’étend de la Chine aux îles Canaries ? On ne peut répondre à cette question que par deux moyens : 1o l’opinion des auteurs de l’antiquité ; 2o la présence plus ou moins démontrée, du blé à l’état sauvage, dans tel ou tel pays.

D’après le plus ancien de tous les historiens, Bérose, prêtre de Chaldée, dont Hérodote a conservé des fragments, on voyait dans la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, le froment sauvage (Frumentum agreste)[1]. Les versets de la Bible sur l’abondance du blé dans le pays de Canaan, en Égypte, etc., ne prouvent rien, si ce n’est qu’on cultivait la plante et qu’elle produisait beaucoup. Strabon[2], né cinquante ans avant Jésus-Christ, dit que, d’après Aristobulus, dans le pays des Musicani (au bord de l’Indus par 25° lat.), il croissait spontanément un grain très semblable au froment. Il dit aussi[3] qu’en Hircanie (le Mazanderan actuel) le blé qui tombe des épis se semait de lui-même. Cela se voit un peu partout aujourd’hui, et l’auteur ne précise pas le point important de savoir si ces semis accidentels continuaient sur place de génération en génération. D’après l’Odyssée[4] le blé croissait en Sicile sans le secours de l’homme. Que peut signifier ce mot d’un poète et encore d’un poète dont l’existence est contestée ? Diodore de Sicile, au commencement de l’ère chrétienne, dit la même chose et mérite plus de confiance, puisqu’il était Sicilien. Cependant il. peut bien s’être abusé sur la qualité spontanée, le blé étant cultivé généralement alors en Sicile. Un autre passage de Diodore[5] mentionne la tradition qu’Osiris trouva le blé et l’orge croissant au hasard parmi les autres plantes, à Nisa, et Dureau de La Malle a prouvé que cette ville était en Palestine. De tous ces témoignages, il me paraît que ceux de Bérose et Strabon, pour la Mésopotamie et l’Inde occidentale, sont les seuls ayant quelque valeur.

Les cinq espèces de graines de la cérémonie instituée par l’empereur Chin-Nong sont regardées par les érudits chinois

  1. G. Syncelli, Chronogr., fol. 1652, p. 28.
  2. Strabon, éd. 1707, vol. 2, p. 1017.
  3. Ibid., vol. 1, p. 124, et 2, p. 776.
  4. Odyssée, l. 9, v. 109.
  5. Diodore, traduction de Terasson, 2, p. 186, 190.