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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

Il a , en allemand , un nom original , Ganer, Gommer, Gümmer[1], et en d’autres langues des noms qui ne se rattachent qu’à des personnes ou à des pays desquels on avait tiré les semences. On ne peut douter que ce ne soit une forme obtenue dans les cultures, probablement dans l’Europe orientale, à une époque inconnue, peut-être assez moderne.

Conclusion sur l’unité spécifique de ces races principales.

Nous venons de montrer que l’histoire et les noms vulgaires des grandes races de froments sont en faveur d’une dérivation, contemporaine de l’homme, probablement pas très ancienne, de la forme du blé ordinaire, peut-être du blé à petits grains cultivés jadis par les Égyptiens et par les lacustres de Suisse et d’Italie. M. Alefeld[2] était arrivé à l’unité spécifique des Triticum vulgare, turgidum et durum au moyen de l’observation attentive de leurs formes cultivées dans des conditions semblables. Les expériences de M. Henri Vilmorin[3] sur les fécondations artificielles de ces blés conduisent au même résultat. Quoique l’auteur n’ait pas encore vu les produits de plusieurs générations, il s’est assuré que les formes principales les plus distinctes se croisent sans peine et donnent des produits fertiles. Si la fécondation est prise pour une mesure du degré intime d’affinité qui motive le groupement d’individus en une seule espèce, on ne peut pas hésiter dans le cas actuel, surtout avec l’appui des considérations historiques dont j’ai parlé.

Sur les prétendus Blés de momie.

Avant de terminer cet article, je crois convenable de dire que jamais une graine quelconque sortie d’un cercueil de l’ancienne Égypte et semée par des horticulteurs scrupuleux n’a germé. Ce n’est pas que la chose soit impossible, car les graines se conservent d’autant mieux qu’elles sont plus à l’abri de l’air et des variations de température ou d’humidité, et les monuments égyptiens présentent assurément ces conditions ; mais, en fait, les essais de semis de ces anciennes graines n’ont jamais réussi. L’expérience dont on a le plus parlé est celle du comte de Sterberg, à Prague[4]. Il avait reçu des graines de blé qu’un voyageur, digne de foi, assurait provenir d’un cercueil de momie. Deux de ces graines ont levé, disait-on ; mais je me suis assuré qu’en Allemagne les personnes bien informées croient à quelque supercherie, soit des Arabes, qui glissent quelquefois des graines

  1. Nemnich, Lexicon, p. 1488.
  2. Alefeld, Botanische Zeitung, 1865, p. 9.
  3. H. Vilmorin, Bulletin de la Société botanique de France, 1881, p. 356.
  4. Journal Flora, 1835, p. 4.