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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

trouvé de Seigle dans les débris des habitations lacustres du nord de ce pays, de Savoie et de Suisse, même à l’époque du bronze. M. Jetteles en a recueilli, près d’Olmutz, avec des instruments de ce métal, et M. Heer[1], qui a vu les échantillons, en mentionne d’autres, de l’époque romaine, en Suisse.

A défaut de preuves archéologiques, les langues européennes montrent une ancienne connaissance du Seigle dans les pays germains, celtes et slaves. Le nom principal, selon Adolphe Pictet[2], appartient aux peuples du nord de l’Europe : anglo-saxon Ryge, Rig, Scandinave Rûgr, ancien allemand Roggo, ancien slave Ruji, Roji, polonais Rez, illyrien Raz, etc. L’origine de ce nom, dit-il, doit remonter à une époque antérieure à la séparation des Germains et des Lithuano-Slaves. Le mot Secale des Latins se trouve sous une forme presque semblable chez les Bretons, Segal, et les Basques, Cekela, Zekhalea ; mais on ne sait pas si les Latins l’ont emprunté aux Gaulois et Ibères ou si inversement ces derniers ont reçu le nom des Romains. Cette seconde hypothèse parait probable, puisque les Gaulois cisalpins du temps de Pline se servaient d’un nom tout différent. Je vois aussi mentionnés un nom tartare, Aresch[3], et un nom ossète, Syl, Sil[4], qui font présumer une ancienne culture à l’orient de l’Europe.

Ainsi les données historiques et linguistiques montrent une origine probable des pays au nord du Danube, et une culture qui remonte à peine au delà de l’ère chrétienne pour l’empire romain, mais plus ancienne peut-être en Russie et en Tartarie.

L’indication du Seigle spontané telle que la donnent plusieurs auteurs ne doit presque jamais être admise, car il est arrivé souvent qu’on a confondu avec le Secale cereale des espèces vivaces ou dont l’épi se brise facilement, que les botanistes modernes ont distinguées avec raison[5]. Beaucoup d’erreurs qui en provenaient ont été éliminées sur l’examen des échantillons originaux. D’autres peuvent être soupçonnées. Ainsi je ne sais ce qu’il faut penser des assertions de L. Ross, qui disait avoir trouvé le Seigle sauvage dans plusieurs localités de l’Anatolie[6], et du voyageur russe, Ssaewerzoff, qui l’aurait vu dans le Turkestan[7]. Ce dernier fait est assez probable, mais on ne dit pas qu’un botaniste ait vérifié la plante. Kunth[8] avait déjà indiqué

  1. Heer, Die Pflanzen der Pfahlbauten, p. 16.
  2. Ad. Pictet, Origines indo-européennes, éd. 2, voL 1, p. 344.
  3. Nemnich, Lexicon Naturgesch.
  4. Pictet, l. c.
  5. Secale fragile, Bieberstein ; S. anatolicum, Boissier ; S. montanum, Gussone ; S. villosum, Linné. J’ai expliqué dans la Géographie botanique, p. 936, les erreurs qui résultaient de cette confusion, lorsqu’on disait le Seigle spontané en Sicile, en Crète et quelquefois en Russie.
  6. Flora, bot. Zeitung, 1850, p. 520.
  7. Flora, bot Zeitung, 1869, p. 93.
  8. Kunth, Enum., 1, p. 449.