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MÉTHODES POUR DÉCOUVRIR L’ORIGINE DES ESPÈCES

de voyages écrits par des botanistes. Il y a, en outre, des dictionnaires concernant les noms d’espèces de tel ou tel pays ou d’une langue en particulier. Ces sortes de recueils ne contiennent pas souvent des explications sur les étymologies ; mais, quoi qu’en dise M. Hehn[1], un naturaliste, pourvu de l’instruction générale ordinaire, peut reconnaître les connexités ou les diversités fondamentales de certains noms dans des langues différentes et ne pas confondre les langues modernes avec les anciennes. Il n’est pas nécessaire pour cela d’être initié dans les subtilités des suffixes et des affixes, des labiales et des dentales. Sans doute un philologue pénètre mieux et plus loin dans les étymologies, mais il est rare que ce soit nécessaire pour les recherches sur les plantes cultivées. D’autres connaissances sont plus utiles, surtout celles de pure botanique, et elles manquent aux philologues plus que la linguistique aux naturalistes, par la raison fort évidente qu’on donne plus de place dans l’instruction générale aux langues qu’à l’histoire naturelle. Il me paraît aussi que les linguistes, notamment ceux qui traitent du sanscrit, veulent beaucoup trop chercher des étymologies à chaque nom. Ils ne pensent pas assez à la bêtise humaine, qui a fait naître dans tous les temps des mots absurdes, sans base réelle, déduits d’une erreur ou d’une idée superstitieuse.

La filiation des langues modernes européennes est connue de tout le monde. Celle des langues anciennes a été l’objet, depuis un demi-siècle, de travaux importants. Je ne puis en donner ici un aperçu, même abrégé. Il suffit de rappeler que toutes les langues européennes actuelles dérivent de la langue des Aryens occidentaux, venus d’Asie, à l’exception du basque (dérivé de l’ibère), du finnois, du turc et du hongrois, dans lesquels au surplus beaucoup de mots d’origine aryenne se sont introduits. D’un autre côté, plusieurs langues actuelles de l’Inde, Ceylan et Java dérivent du sanscrit des Aryens orientaux, sortis de l’Asie centrale après les Aryens de l’Occident. On suppose, avec assez de vraisemblance, que les premiers Aryens occidentaux sont arrivés en Europe 2500 ans avant notre ère, et les Aryens orientaux dans l’Inde un millier d’années plus tard.

Le basque (ou ibère), le guanche des îles Canaries, dont on connaît quelques noms de plantes, et le berbère se rattachaient probablement aux anciennes langues du nord de l’Afrique.

Les botanistes sont obligés, dans beaucoup de cas, de douter des noms vulgaires attribués aux plantes par les voyageurs, les historiens et les philologues. C’est une conséquence des doutes qu’ils ont eux-mêmes sur la distinction des espèces et de la difficulté qu’ils savent très bien exister lorsqu’on veut s’assurer du nom vulgaire d’une plante. L’incertitude devient d’autant .

  1. Hehn, Kulturpflanzen und Hausthiere in ihren Uebergang aus Asien, in-8, 3e édition, 1877.