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NÉCESSITÉ DE COMBINER LES DIFFÉRENTES MÉTHODES

des documents archéologiques, comme ceux des monuments égyptiens ou des lacustres suisses, ce sont des faits d’une exactitude remarquable. Viennent ensuite les données de botanique, surtout celles sur l’existence spontanée d’une espèce dans tel ou tel pays. Elles peuvent avoir beaucoup d’importance, à condition qu’on les examine soigneusement. Les assertions contenues dans les livres soit d’historiens, soit même de naturalistes d’une époque à laquelle la science ne faisait que commencer, n’ont pas la même valeur. Enfin les noms vulgaires ne sont qu’un moyen accessoire, surtout dans les langues modernes, et un moyen, comme nous avons vu, dont il faut se défier. Voilà ce qu’on peut dire d’une manière générale, mais dans chaque cas particulier telle ou telle méthode prend quelquefois plus d’importance.

Chacune conduit à une simple probabilité, puisqu’il s’agit de faits anciens qui échappent aux observations directes et actuelles. Heureusement, si l’on arrive à la même probabilité par trois ou quatre voies différentes, on approche beaucoup de la certitude. Il en est des recherches sur l’histoire des plantes comme de celles sur l’histoire des peuples. Un bon auteur consulte les historiens qui ont parlé des événements, les archives où se trouvent des documents inédits, les inscriptions de vieux monuments, les journaux, les lettres particulières, enfin les mémoires et même la tradition. Il tire des probabilités de chaque source, et ensuite il compare ces probabilités, les pèse et les discute avant de se décider. C’est un travail de l’esprit, qui exige de la sagacité et du jugement. Ce travail diffère beaucoup de l’observation, usitée en histoire naturelle, et du raisonnement pur, qui est le propre des sciences mathématiques. Néanmoins, je le répète, lorsqu’on arrive par plusieurs méthodes à une même probabilité, celle-ci approche de la certitude. On peut même dire qu’elle donne la certitude à laquelle on peut prétendre dans les sciences historiques.

J’en ai eu la preuve en comparant mon travail actuel avec celui que j’avais fait, d’après les mêmes méthodes, en 1855. Pour les espèces que j’avais étudiées alors, j’ai eu plus de documents et des faits mieux constatés, mais les conclusions sur l’origine de chaque espèce ont été à peine changées. Comme elles reposaient déjà sur une combinaison des méthodes, les choses probables sont devenues ordinairement plus probables ou certaines, et il ne m’est pas arrivé d’être conduit à des résultats absolument contraires aux précédents.

Les données archéologiques, linguistiques et botaniques deviennent de plus en plus nombreuses. C’est par leur moyen que l’histoire des plantes cultivées se perfectionne, tandis que les assertions des anciens auteurs perdent de leur importance au lieu d’en acquérir. Grâce aux découvertes des antiquaires et des philologues, les modernes connaissent mieux que les Grecs la