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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS GRAINES

est bon de noter l’origine du nom Castor et Castor-oil des Anglais, comme une preuve de leur manière d’accepter sans examen et de dénaturer quelquefois des noms. Il paraît que dans le siècle dernier, à la Jamaïque, où l’on cultivait beaucoup le Ricin, on l’avait confondu avec un arbuste complètement différent, le Vitex Agnus castus, appelé Agno casto par les Portugais et les Espagnols. De Casto, les planteurs anglais et le commerce de Londres ont fait Castor[1].

Noyer. — Juglans regia, Linné.

Il y a quelques années, on connaissait le noyer, à l’état sauvage, en Arménie, dans la région au midi du Caucase et de la mer Caspienne, dans les montagnes du nord et du nord-est de l’Inde et le pays des Birmans[2]. L’indigénat au midi du Caucase et en Arménie, nié par C. Koch[3], est prouvé par plusieurs voyageurs. On a constaté depuis l’existence spontanée au Japon[4], ce qui rend assez probable que l’espèce est aussi dans le nord de la Chine, comme Loureiro et M. de Bunge l’avaient dit[5], sans préciser suffisamment la qualité spontanée. Récemment, M. de Heldreich[6] a mis hors de doute que le Noyer abonde, à l’état sauvage, dans les montagnes de la Grèce, ce qui s’accorde avec des passages de Théophraste[7] qu’on avait négligés. Enfin, M. Heuffel l’a vu, sauvage également, dans les montagnes du Banat[8].

L’habitation actuelle, hors des cultures, s’étend donc de l’Europe tempérée orientale jusqu’au Japon.

Elle a été une fois plus occidentale en Europe, car on a trouvé des feuilles de notre Noyer dans les tufs quaternaires de Provence[9]. Il existait beaucoup d’espèces de Juglans dans notre hémisphère, aux époques dites tertiaires et quaternaires ; maintenant elles sont réduites à une dixaine au plus, distribuées dans l’Amérique septentrionale et l’Asie tempérée.

L’emploi des fruits du Noyer et la plantation de l’arbre ont pu commencer dans plusieurs des pays où se trouvait l’espèce, et l’agriculture a étendu, graduellement mais faiblement, son habi-

  1. Flückiker et Hanbury, Histoire des drogues, trad. française, 2, p. 320.
  2. C. de Candolle, Prodr., 16, sect. 2, p. 136 ; Tchihatcheff, Asie Mineure, 1, p. 172 ; Ledebour, Fl. ross., 1, p. 507 ; Roxburgh, Fl. ind., 3, p. 630 ; Boissier, Fl. orient., 4, p. 1160 ; Brandis, Forest flora of India, p. 498 ; Kurz, Forest fl. of brit. Burma, p. 390.
  3. C. Koch, Dendrologie, 1, p. 584.
  4. Franchet et Savatier, Enum. plant. Jap., 1, p. 453.
  5. Loureiro, Fl. coch., p. 702 ; Bunge, Enum., p. 62.
  6. De Heldreich, Verhandl. bot. Vereins Brandenburg, fur 1879, p. 147.
  7. Theophrastes, Hist. plant., l. 3, c. 3, 6. Ces passages et autres des anciens sont cités et interprétés par M. Heldreich, mieux que par Hehn et autres érudits.
  8. Heuffel, Abhandl. zool. bot. Ges. in Wien, 1853, p. 194.
  9. De Saporta, 33e session du Congrès scientifique de France.