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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

Il n’existe aucun nom sanscrit pour ces plantes, mais seulement des noms modernes indous et bengalis, et encore pour les seuls Brassica Rapa et oleracea[1]. Kæmpfer[2] cite pour la rave des noms japonais, Busei ou plus communément Aona, mais rien ne prouve que ces noms soient anciens. Le docteur Bretschneider, qui a étudié attentivement les auteurs chinois, ne mentionne aucun Brassica. Apparemment il n’en est pas question dans les anciens ouvrages de botanique et d’agriculture, quoique maintenant en Chine on en cultive plusieurs variétés.

Transportons-nous en Europe. C’est tout l’opposé. Les langues anciennes ont une foule de noms qui paraissent originaux. Le Brassica Rapa se nomme dans le celtique du pays de Galles Meipen ou Erfinen[3] ; dans plusieurs langues slaves[4], Repa, Rippa, ce qui répond au Rapa des Latins et n’est pas éloigné du Neipa des Anglo-Saxons. Le Brassica Napus est en celtique gallois Bresych yr yd ; dans le dialecte irlandais, Braisseagh buigh, d’après Threlkeld[5], qui voit dans Braisseagh l’origine du Brassica des Latins. On cite un nom polonais Karpiele, un nom lithuanien Jellazoji[6], sans parler d’une foule d’autres noms, parfois transposés dans le langage populaire d’une espèce à une autre. Je parlerai plus loin des noms du Brassica oleracea à l’occasion des légumes.

Les Hébreux n’avaient point de noms pour les choux, raves ou navets[7], mais il existe des noms arabes : Selgam pour le Br. Napus, et Subjum ou Subjumi pour le Br. Rapa, noms qui se retrouvent en persan et même en bengali, transposés peut-être d’une espèce à l’autre. La culture de ces plantes dans le sud-ouest de l’Asie s’est donc répandue depuis l’antiquité hébraïque.

En définitive, on parvient par toutes les voies, botanique, historique et linguistique, aux conclusions suivantes :

1o  Les Brassica à racines charnues sont originaires de l’Europe tempérée.

2o  Leur culture s’est répandue en Europe avant et dans l’Inde après l’invasion des Aryas.

3o  La forme primitive, à racine grêle, du Brassica Napus, appelée Br. campestris, avait probablement une habitation primitive plus étendue, de la péninsule Scandinave vers la Sibérie et le Caucase. Sa culture s’est propagée peut-être en Chine et au Japon par la Sibérie, à une époque qui ne paraît pas beaucoup plus reculée que la civilisation gréco-romaine.

    berg, Flora japonica ; Franchet et Savatier, Enumeratio plant. japonicarum.

  1. Piddington, Index.
  2. Kæmpfer, Amœn., p. 822.
  3. Davies, Welsh botanology, p. 65.
  4. Moritzi, Dict. ms. tiré des flores publiées.
  5. Threlkeld, Synopsis stirpium hibernicarum, 1 vol. in-8, 1727.
  6. Moritzi, Dict. ms.
  7. Rosenmüller, Biblische Naturgeschichte, vol. I, n’en indique aucun.