Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

l’ancien monde. Son livre date de 1601. Humboldt[1] dit que, d’après Gomara, Christophe Colomb, lorsqu’il parut pour la première fois devant la reine Isabelle, lui offrit divers produits du nouveau monde, entre autres des Batates. Aussi, ajoute-t-il, la culture de cette plante était-elle déjà commune en Espagne dès le milieu du XVIe siècle. Oviedo[2], qui écrivait en 1526, avait vu la Batate très cultivée par les indigènes de Saint-Domingue, et l’avait introduite lui-même à Avila, en Espagne. Rumphius[3] dit positivement que, selon l’opinion commune, les Batatas ont été apportées par les Espagnols d’Amérique à Manille et aux Moluques, d’où les Portugais les ont répandues dans l’archipel indien. Il cite des noms vulgaires, qui ne sont pas malais et qui indiquent une introduction par les Castillans. Enfin, il est certain que la Batate était inconnue aux Grecs, aux Romains et aux Arabes ; qu’elle n’était pas cultivée en Égypte, et cela même il y a quatre-vingts ans[4], ce qui ne s’expliquerait guère si l’on suppose une origine de l’ancien monde.

D’un autre côté, il y a des arguments pour une origine asiatique. L’Encyclopédie chinoise d’agriculture parle de la Batate et mentionne diverses variétés[5] ; mais le Dr  Bretschneider[6] a constaté que l’espèce est décrite pour la première fois dans un livre du IIe ou IIIe siècle de notre ère. D’après Thunberg[7] la Batate a été apportée au Japon par les Portugais. Enfin la plante cultivée à Taïti, dans les îles voisines et à la Nouvelle-Zélande, sous les noms Umara, Gumarra et Gumalla, décrite par Forster[8] sous le nom de Convolvolus chrysorhizus, est la Batate, d’après sir Joseph Hooker[9]. Seemann[10], fait observer que ces noms ressemblent au nom quichuen de la Batate, en Amérique, qui est, dit-il, Cumar. La culture de la Batate était répandue dans l’Inde au XVIIIe siècle[11]. On lui attribue plusieurs noms vulgaires, et même, selon Piddington[12], un nom sanscrit, Ruktaloo (prononcez Roktalou), qui n’a d’analogie avec aucun nom à moi connu et n’est pas dans le dictionnaire sanscrit de Wilson. D’après une note que m’avait donnée Adolphe Pictet, Ruktaloo semble un nom bengali composé du sanscrit Alu (Rutka, plus âlu, nom de l’Arum campanulatum). Ce nom, dans les dialectes modernes, désigne l’Igname et la Pomme de terre. Cependant Wallich[13] in-

  1. Humboldt, Nouv.-Esp., 1. c.
  2. Oviedo, trad. de Ramusio, vol. III, part. III.
  3. Rumphius, Amboin., V, p. 368.
  4. Forskal, p. 54 ; Delile, III.
  5. D’Hervey Saint-Denys, Rech. sur l’agric. des Chin., 1850, p. 109.
  6. Study and value of chinese bot. works, p. 13.
  7. Thunberg, Flora japon., p. 84.
  8. Forster, Plantæ escul., p. 56.
  9. Hooker, Handb. New Zealand. fiora, p. 194.
  10. Seemann, Journal of bot., 1866, p. 328.
  11. Roxburgh, édit. Wall., II, p. 69.
  12. Piddington, Index.
  13. Wallich, Flora Ind., l. c.