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COLOCASE

et là aux Antilles et ailleurs dans l’Amérique tropicale, mais beaucoup moins qu’en Asie ou en Afrique, et sans la moindre indication d’une origine américaine.

Dans les pays où l’espèce est spontanée, il y a des noms vulgaires, quelquefois très anciens, qui diffèrent complètement les uns des autres, ce qui confirme une origine locale. Ainsi le nom sanscrit est Kuchoo (prononcez Koutschou), qui subsiste dans les langues modernes de l’Inde, par exemple dans le bengali[1]. A Ceylan, la plante sauvage se nomme Gahala, la plante cultivée Kandalla[2]. Les noms malais sont Kelady[3], Tallus, Tallas, Tales ou Taloes[4], duquel vient peut-être le nom si connu des 0-taïtiens et Novo-Zélandais de Tallo ou Tarro[5], aux îles Fidji Dalo[6]. Les Japonais ont un nom tout à fait distinct, Imo[7], qui montre une existence très ancienne, soit originelle soit de culture.

Les botanistes européens ont connu la Colocase d’abord par l’Égypte, où elle est cultivée depuis un temps qui n’est peut-être pas très reculé. Les monuments des anciens Égyptiens n’en ont fourni aucun indice, mais Pline[8] en a parlé sous le nom d’Arum Ægyptium. Prosper Alpin l’avait vue dans le XVIe siècle et en parle longuement[9]. Il dit que le nom dans le pays est Culcas, qu’il faut prononcer Coulcas, et que Delile[10] a écrit Qolkas et Koulkas, On aperçoit dans ce nom arabe des Égyptiens quelque analogie avec le sanscrit Koutschou, ce qui appuie l’hypothèse, assez probable, d’une introduction de l’Inde ou de Ceylan. De L’Ecluse[11] avait vu la plante cultivée en Portugal, comme venant d’Afrique, sous le nom Alcoleaz, évidemment d’origine arabe. Dans quelques localités du midi de l’Italie où l’espèce a été naturalisée, elle se nomme Aro di Egitto, selon Parlatore[12].

Le nom Colocasia donné par les Grecs à une plante dont la racine était employée par les Égyptiens peut venir évidemment de Colcas, mais par transposition à une autre plante que le vrai Colcas. En effet, Dioscoride l’applique à la Fève d’Égypte ou Nelumbium[13], qui a une grosse racine ou plutôt un rhizome, dans le sens botanique, assez filandreux et mauvais à manger.

  1. Roxburgh, l. c.
  2. Thwaites, l. c.
  3. Rumphius, l. c.
  4. Miquel, Sumatra, p. 258 ; Hasskarl, Catal. horti. bogor. alter, p. 35.
  5. Forster, l. c.
  6. Seemann, l. c.
  7. Franchet et Savatier, l. c.
  8. Pline, Hist., 1. 19, c. 5.
  9. Alpinus, Hist. Ægypt. naturalis, éd. 2, vol. 1, p. 166 ; 2, p. 192.
  10. Delile, Flora Egygt. ill, p. 28. De la Colocase des anciens, br. in-8, 1846.
  11. Clusius, Historia, 2, p. 75.
  12. Parlatore, Fl. ital., 2, p. 255.
  13. Prosper Alpinus, l. c. ; Columna ; Delile, Ann. du Mus., 1 p. 375, De la colocase des anciens ; Reynier, Économie des Égyptiens, p. 321.