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LÉGUMES. — ÉPINARD

les Hindous Isfany ou Palak, d’après Piddington, ou encore Pinnis, d’après le même et Roxburgh. L’absence de nom sanscrit indique une culture peu ancienne dans ces régions. Loureiro a vu l’Épinard cultivé à Canton, et M. Maximowicz en Mandschourie[1] ; mais M. Brestschneider nous apprend que le nom chinois signifie Herbe de Perse, et que les légumes occidentaux ont été introduits ordinairement en Chine un siècle avant l’ère chrétienne[2]. Il est donc probable que la culture a commencé en Perse depuis la civilisation gréco-romaine, ou qu’elle ne s’est pas répandue promptement à l’est ni à l’ouest de son origine persane. On ne connaît pas de nom hébreu, de sorte que les Arabes doivent avoir reçu des Persans la plante et le nom. Rien ne fait présumer qu’ils aient apporté ce légume en Espagne. Ebn Baithar, qui vivait en 1235, était de Malaga ; mais les ouvrages arabes qu’il cite ne disent pas où la plante était cultivée, si ce n’est l’un d’eux qui parle de sa culture commune à Ninive et Babylone. L’ouvrage de Herrera sur l’agriculture espagnole ne mentionne l’espèce que dans un supplément, de date moderne, d’où il est probable que l’édition de 1513 n’en parlait pas. Ainsi la culture en Europe doit être venue d’Orient à peu près dans le XVe siècle.

On répète dans quelques livres populaires que l’Épinard est originaire de l’Asie septentrionale, mais rien ne peut le faire présumer. Il vient évidemment de l’ancien empire des Mèdes et des Perses. D’après Bosc[3], le voyageur Olivier en avait rapporté des graines recueillies, en Orient, dans la campagne. Ce serait une preuve positive si le produit de ces graines avait été examiné par un botaniste pour s’assurer de l’espèce et de la variété. Dans l’état actuel des connaissances, il faut convenir qu’on n’a pas encore trouvé l’Épinard à l’état sauvage, à moins qu’il ne soit une modification cultivée du Spinacia tetrandra Steven, qui est spontané au midi du Caucase, dans le Turkestan, en Perse et dans l’Afghanistan, et qu’on emploie comme légume sous le nom de Schamum[4].

Sans entrer ici dans une discussion purement botanique, je dirai qu’en lisant les descriptions citées par M. Boissier, en regardant la planche de Wight[5] du Spinacia tetrandra Roxb., cultivé dans l’Inde, et quelques échantillons d’herbier, je ne vois pas de caractère bien distinctif entre cette plante et l’Épinard cultivé à fruits épineux. Le terme de tetrandra exprime l’idée que l’une des plantes aurait cinq et l’autre quatre étamines, mais le nombre varie dans nos Épinards cultivés[6].

  1. Maximowicz, Primitiæ fl. Amur., p. 222.
  2. Bretschneider, Study, etc. of chinese bot. works, p. 17 et 15.
  3. Dict. d’agric., V, p. 906.
  4. Boissier, Fl. orient., VI, p. 234.
  5. Wight, Icones, t. 818.
  6. Nees, Gen. plant. fl. germ., livr. 7, pl. 15.