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ANTHOLOGIE FÉMININE

lire. Je me souviens d’un peintre nommé Cuibal, fixé depuis à Stuttgard, et dont j’ai vu, il y a peu d’années, un éloge du Poussin couronné à l’Académie de Rouen ; il venoit souvent chez mon père : c’étoit un drôle de corps qui me faisoit des contes de Peau-d’Ane que je n’ai point oubliés et qui m’amusoient beaucoup ; il ne se divertissoit pas moins à me faire débiter ma science. Je crois le voir encore avec sa figure un peu grotesque, assis dans un fauteuil, me prenant entre ses genoux, sur lesquels j’appuyois mes coudes, et me faisant répéter le Symbole de saint Athanase ; puis récompensant ma complaisance par l’histoire de Tangu, dont le nez étoit si long qu’il étoit obligé de l’entortiller autour de son bras quand il vouloit marcher. On pourroit faire des oppositions plus extravagantes !

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Cependant je voulois apprendre, et je n’aimois point à laisser ce que j’avois entrepris. Il fut arrêté que j’irois chez l’abbé Bunant, trois fois par semaine, dans la matinée ; mais il ne savoit pas s’assujettir à conserver sa liberté pour me consacrer quelques instans ; je le trouvois occupé d’affaires de paroisse, distrait par des enfants ou déjeunant avec un ami : je perdois mon temps ; la mauvaise saison survint, et le latin fut abandonné. Je n’ai conservé de cette tentative qu’une sorte d’instinct ou commencement d’intelligence qui, dans le temps de ma dévotion, me permettait de répéter ou chanter les psaumes sans ignorer absolument ce que je disois, et beaucoup de facilité pour l’étude des langues en général,