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ANTHOLOGIE FÉMININE

n’estoit pas aisé qu’il fust maltraité. Enfin, Madame, je pense pouvoir dire qu’il n’estoit pas possible de trouver un plus aimable galand que celui-là, ny un plus agréable amy ; et je pense pouvoir assurer que, s’il eust vécu plus longtemps, il eust été un aussi honneste homme qu’il y en ait jamais eu en Phénicie. Mais la mort le ravit à tous ses amis à l’âge que je vous ai dit : ayant eu la gloire d’estre pleuré par les plus beaux yeux du monde et par les plus illustres personnes de toute nostre cour.


PORTRAIT DE SAPHO[1]

Sapho a eu l’avantage que son père et sa mère avoient tous deux beaucoup d’esprit et beaucoup de vertu, mais elle eust le malheur de les perdre de si bonne heure qu’elle ne put recevoir d’eux que les premières inclinations au bien, car elle n’avoit que six ans lorsqu’ils moururent… Elle n’avoit que douze ans quand on commença de parler d’elle comme d’une personne dont la beauté, l’esprit et le jugement estoient déjà formez et donnoient de l’admiration à tout le monde. Je vous dirai seulement qu’on n’a jamais remarqué en qui que ce soit des inclinations plus nobles, ny une facilité plus grande à apprendre tout ce qu’elle a voulu savoir. Encore que vous m’entendiez parler de Sapho comme de la plus merveilleuse et de la plus charmante personne de toute la Grèce, il ne faut pourtant pas vous imaginer que sa beauté soit une de ces grandes beautés en qui l’envie même ne sauroit trouver

  1. On prétend que Mlle de Scudéry s’est dépeint elle-même.