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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

surexcités. Les porteurs posèrent brusquement la chaise par terre, — si brusquement qu’elle faillit verser.

— Où menez-vous cet homme ? demanda le sergent de ville.

Ce fut à qui ne répondrait pas. On s’interrogeait du regard.

— Nous n’en savons rien, balbutia enfin l’un des porteurs.

— Comment ! Vous n’en savez rien ?

— Nous le promenons… pour le distraire… Nous allons au Mail…

Jean, se haussant, réussit à se faire entendre.

— C’est un Allemand qui m’accompagne, dit-il, il ne peut pas marcher… il a un pied foulé…

— Tout ça c’est des vaudevilles ! s’écria le représentant de l’autorité. Au poste ! Et plus vite que ça !

Hans Meister cherchait le joint pour sortir de sa boîte. En se dressant, grâce à sa haute taille, son crâne souleva le dessus de la chaise. Il passa la tête par l’ouverture, et s’adressant à l’agent, étonné de le voir surgir tout à coup comme un diablotin, il protesta énergiquement de la violence qui lui était faite ; il réclamerait justice, tarteiffle ! Puis s’avalant, il s’efforça de passer par une portière ; mais la douleur de son pied trahit sa bonne volonté. Cette dernière et infructueuse tentative provoqua une hilarité générale. L’autorité elle-même se mordait les lèvres pour ne pas éclater.

Aux armes, citoyens !

essayèrent de reprendre les petits polissons ; mais ce fut en vain ; le sergent de ville réussit à retrouver son air grave, et faisant sortir de la foule deux hommes vigoureux, il leur enjoignit de saisir les bricoles ; de nouveau il ordonna qu’on prît le chemin du poste.

Et, s’emparant des deux torches qui secouaient des étincelles et entretenaient l’animation, le sergent de ville les écrasa l’une après l’autre sous ses larges semelles.

Alors on se remit en route. Les torches éteintes, aux chants avaient succédé des huées. Hans Meister, demeuré debout la tête et la moitié du buste dehors, montrait le poing à la foule et, plus près de lui, au petit Jean.

— Tu me paieras tout cela, coquin ! criait-il. Ah ! ce coquin de Parisien !

Jean passant ses mains par la portière fit rasseoir l’Allemand de force, et lui dit en manière de défi :

— Pour peu que vous y teniez, vous savez, nous allons régler tous nos comptes ! Mais gare à vous ! Vous voilà déjà sous la protection de la police !