Le commandant fit faire halte et l’on se reposa pendant quelques heures dans une sorte de manoir isolé, habitation d’un brigadier forestier.
À une heure du matin, la Moselle fut franchie par un froid de dix-neuf degrés. La rivière était prise en partie ; mais les mariniers du village, une fois mis dans le secret de l’expédition, se jetèrent bravement à l’eau pour dégager le bac du milieu des glaçons. Ce bac, ne pouvant contenir qu’une quarantaine d’hommes, dut aller plusieurs fois d’une rive à l’autre. Ce va-et-vient qui pouvait être découvert par l’une des patrouilles qui exploraient les bords du fleuve à de courts intervalles, les glaçons heurtant l’embarcation d’une force à la faire éclater, le dévouement des mariniers, et puis encore la colonne un instant coupée et éparse sur les deux rives, tout cela créait une situation des plus émouvantes.
Le commandant Bernard voulut rétribuer les passeurs pour une besogne accomplie dans des conditions à la rendre mortelle ; mais ils refusèrent avec dignité, s’estimant heureux d’avoir été mis à contribution.
La colonne reformée gravit, dans le plus grand silence, la rive droite de la Moselle, fort escarpée en cet endroit.
Enfin, elle parvint sans accident sur la crête et s’enfonça aussitôt dans les bois.
La petite troupe avait à peine fait trois cents pas depuis le débarquement, lorsque, soudain, l’horizon s’éclaira sur la gauche d’une lueur rougeâtre. Chacun prête l’oreille et l’on entend gronder le canon de Toul. Presque aussitôt répond, au loin, le canon de Commercy ; puis vient se mêler à ce duo le râlement lugubre des mitrailleuses de Foug. Ces signaux d’alarme se prolongèrent pendant plus d’une heure. Que pouvaient-ils signifier ? L’ennemi se tenait-il sur ses gardes pour redoubler de vigilance ? L’expédition était-elle éventée ? Dans ce cas, il fallait gagner de vitesse les forces qui pouvaient se porter au secours de Fontenoy, et l’on était encore séparé de ce village par plus de deux lieues, — en ligne droite.
La colonne traversa le bois qui s’étend entre la Moselle et la route de Dammartin-lès-Toul, et qui est le prolongement du grand bois de Nancy. Elle coupa en amont de Gondreville, appuyant ensuite à droite pour se maintenir sous le couvert des bois. Les plus grandes précautions continuaient d’être prises pour dérober le passage de la troupe. Lorsqu’on traversait un chemin un peu trop fréquenté, quelques hommes de l’arrière-garde, promenant de grands râteaux sur la neige, effaçaient la trace des pas. Les soldats de l’avant-garde se tenaient en communication constante avec le gros de la troupe au