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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/301

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Jean se vit forcé de montrer les deux portraits photographiés qu’il tenait de la baronne du Vergier. En ce moment Emmeline disparut sous la toile : son tour de danser était venu.

La grosse dame jeta sur les portraits un regard rapide, puis les examina attentivement l’un après l’autre.

— Il ya quelque chose… dit-elle enfin en prenant un air dégagé. Et elle les rendit au jeune garçon. Il y a quelque chose… oui. Mais comment avez-vous eu ces portraits, mon petit ami ?

— La mère d’Emmeline… non, je veux dire de la petite fille qui a servi de modèle, me les a confiés.

— C’est une dame… bien ?

— Oh ! oui, très bien ! Une baronne tout à fait chic !

Jean parlait quelquefois comme un faubourien…

— Elle n’habite pas le Havre ? demanda la buraliste en se levant brusquement. Pour dissimuler ce mouvement, qui trahissait une vive appréhension, la dame alla soulever le rideau d’indienne comme pour voir où en était la représentation. Elle revint s’asseoir et attendit, impatiente, la réponse à sa question.

— Est-ce qu’Emmeline danse ? fit le jeune garçon.

— Elle danse.

— Alors j’entre.

— Un moment !… Vous ne me répondez pas ?… Cette baronne ?… Elle habite la ville ?

— Non, elle demeure à Caen, dit Jean en se glissant dans l’intérieur de la loge. — Calvados, ajouta-t-il en passant la tête pour faire une gaminerie.

Il disparut ; mais s’il avait regardé la grosse dame, il aurait remarqué le singulier effet que ces quelques mots produisaient sur son visage : de rouge et bourgeonné, il était devenu livide ; ses yeux troublés accusaient une défaillance par le battement des paupières.

Lorsque le petit Parisien sortit de la loge au milieu du flot tumultueux des spectateurs, la grosse dame était remplacée au bureau par un grand vieillard, une façon de père noble, le directeur de l’illustre théâtre des Fantaisies dramatiques.

La petite Emmeline le saisit au passage :

— Est-ce que tu as été grondé ? dit-elle au jeune garçon. Je te demande ça… pour savoir ?…

— Moi, grondé ? Pas du tout ! Qui est cette grosse femme ?