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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Qu’allons-nous faire ? demanda Barbillon.

Le cas devenait embarrassant. Pénétrer dans la forêt à la suite d’un homme méchant, et de plus, fou, n’était nullement prudent : le petit Parisien se rappelait les menaces réitérées de Hans Meister, et ne tenait pas à lui fournir l’occasion de les mettre à exécution ; il ne voulait pas davantage attirer à son camarade une mauvaise affaire. Attendre l’Allemand sur la route, à l’endroit où il avait disparu, semblait plus que naïf. Néanmoins, Jean tenta d’utiliser cette apparence de naïveté.

— Arrêtons-nous ici, et attendons un bon moment, dit-il. L’Allemand doit nous guetter. Nous ferons semblant après de retourner sur nos pas, découragés, et nous le devancerons du côté d’Elbeuf, pour l’y voir arriver. Hein ? Ce n’est pas mal concerté ?

Barbillon était toujours de l’avis de Jean, dont il subissait l’ascendant. — Ils s’arrêtèrent bien en vue ; et Barbillon reprit la suite de ses griefs contre la tante Pelloquet.

Au bout d’un quart d’heure, les deux jeunes garçons faisaient mine de retourner à Rouen. Ils marchèrent un bout de temps sur la route, puis ils entrèrent une fois encore dans la forêt de Rouvray : ils faisaient, cachés par les arbres de cette forêt, le chemin que faisait l’Allemand dans la forêt située de l’autre côté de la route. Mais en approchant d’Orival, Jean et Barbillon durent entrer eux aussi dans la forêt de la Londe : la route d’Elbeuf se rapprochait tout d’un coup de la Seine, qu’ils retrouvaient à cet endroit : on sait qu’elle replie et arrondit ses méandres avec une parfaite régularité depuis les Andelys, et même si l’on veut depuis Paris, jusqu’à son embouchure, elle enveloppait d’une de ses boucles la forêt de Rouvray tout entière.

Jean et son ami déconcertés dans leur plan, — ils ne connaissaient pas le pays — se trouvèrent au bout d’une heure près du village de la Londe ; peu après, la route de Bourgtheroulde à Elbeuf leur barra le passage ; s’engager sur cette route c’est tout ce qu’il leur restait à faire ; mais ce fut avec la presque certitude d’avoir été dépassés par l’Allemand.

Hans Meister, en effet, était arrivé à Elbeuf depuis un bon moment, que Jean et Barbillon, apostés aux environs de cette ville, l’attendaient encore. Ils se décidèrent enfin à abandonner la place : il ne leur restait plus que la ressource de retrouver l’Allemand dans cette ville. L’Allemand, en entrant dans Elbeuf en manches de chemise, avait eu hâte de se couvrir plus décemment et, décrochant le premier paletot de drap — d’Elbeuf ou autre — qu’il vit suspendu à la devanture d’un fripier, il s’en revêtit, paya sans marchander