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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

son affaire, et il prenait son équeurce vers Évreux, même que je lui ai montré son chemin.

Jean remercia et entraîna Barbillon du côté où la carriole avait été laissée. Le jeune paysan, d’une main remontant ses chausses, qui tombaient faute de bretelles, de sa main libre, mettant un peu d’ordre dans sa carriole, s’apprêtait à partir.

— Il ne s’agit pas de ça ! lui cria Jean. Nous allons à Évreux.

— Vous savez ? C’est deux fois autant loin que d’ici à Elbeuf ? La grise a encore un bon pas à faire pour que je soyons arrivés…

— Je paierai ce qu’il faudra. En route !

— Alors montez, mon jeune bourgeois, dit Dardouillet.

Et voilà la jument trottant à plein collier vers le chef-lieu du département. La route côtoya d’abord la rive gauche de l’Eure, puis elle s’éloigna peu à peu de ce cours d’eau pour passer par une succession de côtes boisées d’ormes, de chênes, de charmes, de bouleaux, de trembles, d’aliziers, de châtaigniers… Dans les vallons se rencontraient le frêne, l’aune, le saule, le marronnier et le peuplier. Ils entrèrent enfin dans la jolie vallée de l’Iton, et remontèrent pendant un quart de lieue le bord de cette rivière, ayant en face d’eux Évreux, entourée de belles prairies et dominée par des hauteurs boisées.

L’Iton se partageait en trois bras pour baigner les différents quartiers de la ville. Au-dessus du groupe pittoresque des maisons d’un aspect clair et riant, se dressaient la cathédrale, avec ses deux tours inégales et sa flèche centrale ajourée de la lanterne au faîte, l’église de l’abbaye de Saint-Taurin, la tour octogonale du beffroi de l’ancien hôtel de ville, les bâtiments de l’archevêché et quelques autres édifices.

— Mais, observa Jean, lorsqu’on fut un peu plus près, je ne vois pas ce qui a attiré ici Hans Meister ; Évreux n’est pas ce qu’on peut appeler une ville industrielle… Comment mon Allemand a-t-il pu espérer d’y trouver des compatriotes ?


Le pauvre garçon devint tout soucieux ; les difficultés de son entreprise allaient toujours croissant, et plus rien ne l’assurait de la réussite.