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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/443

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

naissait maintenant la destination de ces bassins des chasses, et le vieux marin fut très étonné de le trouver si savant sur la constitution de ces ports toujours ensablés du Pas de Calais et de la mer du Nord.

On alla passer sous les canons du fort Risban, qui défend le chenal et le port d’échouage ; puis Jean voulut visiter la citadelle. Située à l’ouest de la ville dont elle est séparée par une esplanade, elle a été élevée il y a trois siècles avec les matériaux provenant de la démolition de l’ancien château et des maisons avoisinantes. Ce fut aussitôt après que les Anglais en possession de Calais, considéré par eux pendant deux cent dix ans comme une tête de pont sur le territoire français, furent expulsés du Calaisis.

— Il leur fallait ce pied-à-terre ! observa le père Vent-Debout, avec ironie.

Sur ce, le vieux marin entreprit de raconter à Jean dans son langage goudronné, l’histoire des six bourgeois de Calais et, parmi eux, Eustache de Saint-Pierre, se rendant courageusement, la tête et les pieds nus, la corde au cou, les clefs de la ville en main, au camp du roi d’Angleterre Edouard III, qui après avoir promis de les pendre leur fit grâce, cédant à la reine en pleurs. Mais le père Vent-Debout essaya vainement d’expliquer comment, à la suite de cette circonstance, la ville fut délivrée des Anglais, par ces six vertueux citoyens en chemise : c’est qu’il confondait cet honorable épisode du fameux siège de 1346, qui livra la ville épuisée par la famine à la discrétion du vainqueur, avec la vive surprise de la place tentée sous Henri II, par le duc de Guise, le 1er janvier 1558, et qui fut couronnée de plein succès.

De la citadelle, le vieux marin et Jean allèrent faire une promenade au parc. Il fut convenu que le lendemain ils pousseraient plus avant de ce côté-là, histoire d’arpenter les rues droites de Saint-Pierre-lès-Calais et d’y entendre battre les dix-huit cents métiers de la fabrication du tulle de soie et de celle plus importante encore du tulle de coton qui produisent ensemble annuellement pour une valeur de cinquante millions. Il y avait aussi à voir par-là des filatures de lin, des fabriques de divers tissus, des scieries à vapeur, des ateliers de construction : on reviendrait donc.

Le père Vent-Debout avait suivi un peu jusque-là, la fantaisie du petit Parisien. Il tint à prendre la direction du restant de la promenade, comme sachant bien mieux ce qu’il importait de voir. On rentra donc en ville en traversant le canal de navigation, et l’on alla par les rues les plus directes vers le port d’échouage et l’ancien bassin à flot. L’ex-pilote du Richard-Wallace expliqua à son jeune compagnon comment le port, autrefois excellent, avait perdu une partie de ses avantages par suite des ensablements, et comment d’importants