— Eh bien ! on va te fusiller, dit le lieutenant, — qui l’enleva de terre en souriant.
— Vive la France ! À bas les Prussiens ! cria le petit Jean résolument et en devenant tout rouge.
— Est-il joli ! fit l’officier. Il tenait l’enfant à bout de bras.
Et s’adressant à un vieux sergent qui se trouvait à côté de lui : — A-t-il une mine éveillée !
— J’en ai un comme cela au pays, murmura le sergent avec un soupir.
L’officier déposa l’enfant à terre, — bien doucement. — Sauras-tu retrouver ton chemin ? lui dit-il.
Jean fit semblant de vouloir s’orienter.
— Je vais du côté où vous n’allez pas.
— Veux-tu du biscuit ? demanda le sergent.
Le petit garçon fit un signe de tête négatif.
— Veux-tu un morceau de sucre ?
— Je ne veux rien des Prussiens.
En ce moment les landwehrs qui avaient escaladé le bois redescendirent en courant, et Jean fut tout heureux de voir qu’ils ne ramenaient pas « M. Bordelais ». L’officier fit ranger ses hommes, et l’on prit quelques dispositions pour aider les deux blessés à rentrer avec la patrouille. Très légèrement atteints l’un et l’autre, ils pouvaient suivre. Des camarades porteraient leurs fusils…
Jean regardait les blessés sous le nez ; il allait de l’un à l’autre, s’amusant de leurs grimaces. Un soldat qui le vit sourire lui administra lourdement une taloche. Alors l’enfant s’éloigna rapidement, un peu effrayé. À vingt pas de là il s’arrêta, et tout prêt à prendre sa course, il attendit que la patrouille se remît en marche.
À mesure que les Prussiens s’éloignaient, le petit garçon, sans bouger de place, commençait à chercher des yeux à travers le bois, du côté où le franc-tireur avait disparu. Il s’attendait à le voir surgir tout à coup de derrière un arbre, ou au moins à s’entendre appeler. Rien ne remua…
— Ils l’ont peut-être tué ! pensa l’enfant après un moment d’attente ; et soudain pris de peur à cette idée, il se mit à courir de toute sa force, tombant deux ou trois fois dans la neige, se relevant pour courir plus vite encore.
— Eh ! fit une voix peu rassurée, de quoi as-tu peur ?
— Des Prussiens ! répondit l’enfant sans s’arrêter, et sans regarder celui qui parlait.