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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/526

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Le grand artiste angevin, qui a ajouté par la sûreté et la hardiesse de son ciseau à la gloire de tant de célébrités, l’honnête homme qui disait : « J’ai du marbre et du bronze pour le génie, la vertu et le courage ; je n’en ai pas pour les tyrans », le statuaire infatigable qui a enrichi notre pays d’innombrables chefs-d’œuvre, — Bonchamps, le grand Condé, Ambroise Paré, Fénelon, le général Foy, Béranger, Washington, La Fayette, Gutenberg, Talma, Gœthe, Pierre Corneille, pour ne citer que quelques noms, — méritait de rencontrer un émule digne de lui, qui fixât pour l’immortalité les traits de son mâle et franc visage. Dans ce bronze inspiré, Louis Noël a représenté David drapé dans un manteau qui laisse libre le haut de son corps, la forte carrure de ses épaules. Le maître s’appuie sur son marteau, et tient de la main gauche une statuette offrant des couronnes aux plus dignes. Louis Noël a symbolisé de la sorte le génie de son modèle, et rappelé par cette allégorie la France accueillant nos gloires, comme on la voit dans le fronton du Panthéon dû au ciseau du grand artiste national.

Dans cette attitude, David d’Angers médite peut-être un de ces axiomes qui faisaient de lui un penseur audacieux et quelque peu frondeur, aimé de Victor Hugo, de Cousin, de Mérimée, de Sainte-Beuve. Voilà bien le laborieux artiste, qui pouvait non sans orgueil se rappeler le temps où il travaillait à raison de vingt sous par jour aux corniches du Louvre et aux ornements de l’arc du Carrousel !

Jean les connaissait ces rudes débuts ; il avait trouvé dans les livres de sa balle la vie du célèbre statuaire ; il l’avait lue avec avidité ; et il demeura longtemps absorbé devant cette figure si expressive de David d’Angers, comme s’il pensait trouver dans sa contemplation un enseignement pour sa propre vie.