On montra au touriste l’hôtel de Candie, ancienne prison où naquit Françoise d’Aubigné, devenue marquise de Maintenon : son père y fut un temps détenu sous l’accusation de faux monnayage.
De Niort, la troupe poursuivit sa route, — toujours en chemin de fer — par Aigrefeuille, par Rochefort, troisième port militaire de France formé par la Charente et où Risler devait ramener ses compagnons après Saintes ; par Tonnay-Charente ; par Taillebourg, célèbre par la défense de son pont par Louis IX, qui tint tête presque seul à des assaillants sans nombre ; et elle arriva à Saintes à la fin de l’après-midi. C’était dans cette ville qu’elle devait donner ses représentations funambulesques.
Saintes est une ville de 12,000 habitants bâtie sur le flanc d’un coteau baigné par la Charente, qu’Henri IV appelait « le plus beau ruisseau du royaume » et qui arrose, en effet, un pays riche en pâturages et en blé. — Saintes qui fut la cité des « Santones » avant la domination romaine a conservé de nombreux monuments antiques, un arc de triomphe d’ordre corinthien élevé en l’an 21 ou 31 à Germanicus, à Tibère et à Drusus. Cet arc à deux portes est assis sur un solide massif de maçonnerie dans le lit de la Charente, et ce massif a dû servir de pile à un pont. Il y a aussi à Saintes les débris d’un amphithéâtre qui pouvait contenir vingt mille spectateurs, un hypogée défiguré par des constructions modernes auxquelles il est accolé ; quelques restes du Capitole, englobés dans les bâtiments de l’hôpital. L’église Saint-Eutrope et la cathédrale sont deux monuments historiques. Saint-Eutrope, édifice du douzième siècle a une tour carrée du quinzième siècle, surmontée d’une flèche de quarante mètres ; la cathédrale a aussi une tour mais beaucoup plus haute (72 mètres). Sur l’une des places de la ville a été élevée la statue de Bernard de Palissy : le célèbre potier né dans l’Agenois, après avoir beaucoup voyagé vint s’établir à Saintes, et c’est là qu’il réalisa au prix de bien des labeurs la création de ses émaux. À Saintes, Louis IX battit encore les Anglais.
Dès son arrivée à Saintes, une idée germa dans l’esprit de Jean : elle ne devait pas être abandonnée. Il se trouvait très près de Bordeaux et de Mérignac ; de plus il tenait en réserve les cent francs prêtés par Bordelais la Rose : quelle meilleure occasion d’aller embrasser son vieil ami et lui rapporter son argent ? Le difficile était d’obtenir de Jacob Risler la permission de s’absenter. Jean ne pouvait lui avouer sans le mécontenter qu’il se rendait auprès de l’ancien zouave devenu son protecteur et son conseiller, et qui à Saler lui avait tenu tête. On se rappelle que Bordelais la Rose et Risler s’étaient