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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

loque les dessous du globe ; le grisou, épouvante du mineur, éclair sinistre de la faux de la Mort, qui moissonne par centainesles existences.

Des cris de douleur et d’effroi, des appels à l’aide, formidablement répercutés par les échos souterrains, se croisaient, multipliés, avec tous les bruits ; on entendait des interpellations se détachant d’une confusion de paroles où dominait ce mot crié : le grisou ! le grisou ! le grisou !

Des gaz délétères commençaient à se répandre partout et venaient suffoquer Jean qui se sentait près de défaillir dans la haute température produite par l’explosion. Des quartiers de roche ébranlés ça et là s’écroulaient bruyamment, ajoutant des effets de terreur au péril trop réel couru par le pauvre garçon. Dans un boyau voisin, des amas d’eau avaient rompu leurs « serrements » de bois et s’écoulaient avec un bruit de cataracte.

Jean ébloui encore par l’éclair qui l’avait aveuglé, l’ouïe affectée de bruissements d’épouvante, réussit à s’agenouiller, et se penchant avidement, il chercha un peu d’air respirable à la surface du sol, et se ramassa pour échapper à la brûlante chaleur de l’atmosphère ; puis il essaya de regarder du côté où il avait aperçu Hans Meister pour la dernière fois ; mais il ne voyait rien : l’obscurité se trouvait doublée pour lui par une accumulation d’énormes débris de houille.

Il étendit les mains, et reconnut qu’il se trouvait enfermé vivant dans une sorte de cavité contre laquelle l’explosion l’avait rejeté. Il supposa, non sans vraisemblance, que l’Allemand avec son luminaire imprudemment promené dans les galeries avait déterminé cette redoutable explosion, cause sans doute de bien des malheurs !

Un grand remuement se faisait au fond de la fosse Saint-Mathieu dans des directions diverses et Jean entendit encore des voix lamentables répéter ce cri terrifiant : le grisou !

On semblait fuir dans la crainte d’une nouvelle explosion, et plus réellement pour échapper aux effets de l’asphyxie par les gaz répandus. Jean réclama du secours désespérément ; mais personne ne parut prêter attention à ses appels.

Alors deux pensées poignantes vinrent ajouter à ses tortures : c’est que Hans Meister lui échappait encore une fois et pour toujours, — et c’est qu’il allait mourir là, dans ce trou noir, lugubre tombeau, sans qu’on sût jamais’ ce qu’il était devenu, et qu’en mourant il emportait le secret de la naissance de la fille de la baronne.

Ah ! quel trouble pour lui ! Quelle angoisse ! Il se mit de nouveau à crier de