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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/747

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

il est couvert d’un beau gazon et d’une grande variété de jolies fleurs des Alpes. On l’appelle le Courtil, d’un mot qui signifie jardin.

Ces glaciers d’un blanc qui aveugle, séparés par de grandes forêts, couronnés par des rocs de granit d’une hauteur surprenante qui sont taillés en obélisques, présentent un des plus grands et des plus émouvants spectacles qu’il soit possible de contempler.

Les plus considérables de ces glaciers du Mont-Blanc ont leur pente relativement douce vers l’occident, vers la vallée de Chamonix. Du côté du sud, l’énorme masse de granit est séparée des massifs de la Savoie par le col du Petit-Saint-Bernard et le col Bonhomme, ouvert à plus de 2,300 mètres au-dessous de son dôme suprême ; du côté de la Suisse, ses contreforts s’abaissent vers la profonde fissure où coule le Rhône ; à l’orient, ses escarpements rapides et ses glaciers fort inclinés plongent vers l’Italie.

Heureux, pensait Jean, ceux à qui il est permis de se lancer dans ces océans de glace, d’escalader ces falaises de glace, ces promontoires de glace et de parvenir dans les régions éthérées, jusqu’à l’endroit où Dieu a posé la main sur le granit en disant : « Tu ne monteras pas plus haut ! » Jean eut donné plusieurs années de sa vie pour accomplir une ascension au Mont-Blanc. Il dut se borner à se faire raconter les ascensions célèbres ; il y en a eu de périlleuses ; mais ce n’est pas là ce qui eût pu refroidir son ardeur ! Il se fit dépeindre les magnificences du tableau qui se déroule aux yeux des élus, et les émotions éprouvées par eux en embrassant d’un coup d’œil circulaire une si vaste partie du globe : les hauteurs effacées du Jura, des Vosges et du Vivarais, tout le midi de la France avec un relief diminué ; Lyon, le Rhône semblable à un ruisseau dans une prairie desséchée, toute la vallée de l’Isère, assez rapprochée, par suite plus verte, l’obélisque isolé du Mont-Viso, les Alpes maritimes…

Et en se détournant de la France, tout le nord de l’Italie, les plaines de la Lombardie, Milan ressemblant à un village poudreux, l’Adriatique… Sur un autre plan, les Alpes tyroliennes, les crêtes neigeuses des montagnes de la Carinthie et de la Carniole, les Apennins, et beaucoup plus près le Saint-Gothard, les hautes pyramides de l’Altens, du Munch, de la Jungfrau, la tête altière du Mont-Cervin, les pics nombreux du Rosa. Aux pieds du Mont-Blanc s’affaissait le Saint-Bernard, se creusait la vallée d’Aoste, s’échancrait le lac de Genève… Au-dessus de tout un ciel d’un bleu très foncé.

C’était un rêve que Jean devait abandonner. Au reste ce qu’il lui était donné de voir n’était nullement à dédaigner ; il dévorait le Mont-Blanc en détail.