Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/143

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pour tous les magistrats qui étaient là, assis en jugement, l’effet de l’épreuve avait été tel, le cri naïf et involontaire de la vérité les avait frappés si juste au cœur, qu’il leur semblait que si eux-mêmes eussent vu commettre cet assassinat, dont ils avaient devant eux l’unique et miraculeux témoin, leur certitude n’aurait pas été plus entière.

À peu d’instants de là, dans un noir cachot de la conciergerie, retentissait un arrêt terrible, tandis que, sur une place publique peu éloignée, il se faisait de sinistres apprêts ; car, à cette époque, pour l’homme qui avait entendu une sentence de mort, il n’y avait point de lendemain ; le soleil ne devait plus se lever pour lui. Quelques heures après, les rues avoisinant Saint-Michel, Saint-Sauveur, le Vieux-Palais et la Collégiale de Saint-Georges, ne pouvaient suffire à tous les habitants de la ville qui revenaient du Vieux-Marché, où ils avaient été témoins d’un horrible spectacle ; et ces hommes, ces femmes, pâles, tremblants, terrifiés, se redisaient les uns aux autres, avec effroi, des paroles bien solennelles apparemment, à voir de quel air ils les répétaient. C’est qu’une voix s’était fait entendre à eux du haut d’un théâtre de douleur ; et, toute faible qu’elle était alors, cette voix qui allait s’éteindre, avec quelle autorité, avec quel empire, en ce moment suprême, elle avait retenti tonnante et formi-