Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/188

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tune, ils ne se ressemblaient guère plus par les habitudes et le langage.

À Saint-Godard, on se ressentait quelque peu de ce mouvement des esprits, si marqué dès lors, et qui annonçait le grand siècle. On savait Malherbe par cœur ; on s’arrachait les premiers essais d’un jeune homme de la ville, nommé Pierre Corneille, fils du maître particulier des Eaux-et-Forêts. Quelques connaisseurs juraient bien leurs grands dieux que ce poète n’irait pas loin ; mais, au dire du plus grand nombre, ce jeune écrivain ne manquait pas d’un certain mérite : à la vérité, il ne vaudrait jamais M. de Mont-Chrestien ; mais, quoi ! est-il donné à tous d’aller à Corinthe ? Et puis il ne faut pas décourager les commençants. Imaginez, je vous prie, les dédains de ce monde délicat et poli pour le dialecte de Saint-Nicaise. À ne point mentir, c’était une langue étrange que celle qui se parlait sur Saint-Nicaise, Saint-Vivien et autres provinces adjacentes : une langue, mélange de celtique, de français, de roman, de termes et métaphores de métier, dont l’ensemble formait quelque chose de bizarre ; patois intelligible seulement pour quiconque habitait entre la rue Poitron et le Pont-de-l’Arquet ; patois bien digne, après tout, de cette Béotie qui, pour toute littérature, vivait de Noëls et de complaintes. — Et puis, main-