C’était là que, de temps immémorial, les anciens du
métier siégeaient magistralement, le bonnet de laine
en tête, graves et refrognés comme des sénateurs ; et,
de toutes parts, c’était à qui viendrait soumettre à ces
prud’hommes les différends de la draperie, soit entre
maîtres et ouvriers, soit entre les ouvriers eux-mêmes.
Les vieux patriarches qui avaient vu bien des mauvais
jours, bien des guerres, bien des pestes, bien des
famines, arbitres équitables et infaillibles, délibéraient
avec maturité, prononçaient souverainement sur ces
bisbilles sans cesse renaissantes ; et, ma foi ! leurs
sentences étaient autant et plus respectées que si le
Parlement tout entier y eût passé en robes rouges.
Bref, c’était leur tribunal que cette boise, leur forum, leur conclave, leur grand’chambre, où ils tenaient conseil, en plein air, sur les affaires épineuses de la république. Et puis elle était aussi le bureau des nouvelles : les dimanches et fêtes, après les offices, dans les soirées d’été, c’était plaisir que de voir ces anciens, assis gravement sur la boise, non plus pour juger, mais pour deviser entre eux, endoctriner les jeunes gens qui les écoutaient bouche béante, et leur donner, à leur manière, quelques notions élémentaires d’histoire, de législation criminelle et de droit public. Quels doctes entretiens ! quelles théories ! Dieu le sait. Après le procès de tous les pendus, la prise d’Amiens,