Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/275

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ment étant assis en jugement, attentifs à ce qui s’allait dire, et la cause appelée enfin, la conduite de Brétignières parut étrange à tous. Avocat des trois orphelins (appelants devant la cour), c’était à lui de parler le premier, et d’engager le combat qu’il avait si hardiment provoqué ; tous attendaient, fort en peine de ce qu’il pourrait proposer contre une loi si claire ; le doute, l’incrédulité étaient peints sur les visages. Quand donc on le vit se contenter de conclure à l’annulation de la sentence, puis s’asseoir aussitôt, et l’avocat des intimés se lever confiant, et entrer résolument en matière, vous eussiez entendu alors s’élever, dans la grand’chambre, un sourd bruissement, un murmure confus et réprobateur. Avocats, praticiens, secouant la tête, regardaient sévèrement Brétignières ; et, plus que jamais, de toutes les bouches, presque, sortaient ces mots : Outrecuidance, cause perdue.

Que fut-ce donc en entendant l’avocat des intimés alléguer les lois, invoquer le Coutumier, y montrer, non pas dans une disposition isolée, mais dans plusieurs, mais partout, dans le texte de ce vieux code, et plus encore dans son esprit, le rigoureux anathème lancé naguère aux enfants des condamnés ? Car, avait dit le dur législateur normand, les enfants du condamné ne pourront jamais rien prétendre, non seulement aux biens que possédait leur père au jour de son