Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/48

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aux Normands, qu’il tenait dans ses mains tremblantes. Le peuple faisait silence ; et, à cette heure, dans tout Rouen, si bruyant peu d’instants avant, on n’entendait autre chose que la charte de Louis X et la cloche de la commune, qui, seule de toutes les cloches de la ville, avait sonné depuis soixante-douze heures, et ne s’était tue ni jour ni nuit. Quand, enfin, elle eut été lue, cette charte des franchises de la province, force fut à tous de venir, têtes nues, la main levée, jurer sur la croix de Saint-Ouen et sur les saints Évangiles de la garder fidèlement. Le roi d’un jour jura le premier, la couronne bas : après lui, ce qu’il y avait là d’officiers et de magistrats qui, par miracle, avaient échappé au massacre ; ensuite, tous les chanoines, les religieux de Saint-Ouen, de Sainte-Catherine, du Mont-aux-Malades, de Bonnes-Nouvelles, de tous les monastères de la ville ; les avocats, les bourgeois de Rouen, tous, en somme, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. Et puis, de ceux qui avaient été, pendant ces trois jours, frappés, dépouillés, on exigea un autre serment ; il fallut, sous peine de mort, qu’ils renonçassent à toute idée de réparation ou de vengeance. Les tabellions d’église et de cour-laie étaient là, avec leurs clercs, bien empêchés à dresser tous ces actes en bonne forme, et il fallait les signer ou mourir. La nuit étant venue mettre un terme à ces sanglantes